Dans le cadre du programme PAT, le CMF s’engage avec un maximum de trois pays par an pour une durée maximale d’un an chacun. Les pays intéressés peuvent amorcer la collaboration en adressant une demande à leur mission canadienne (ambassade ou haut-commissariat). La mission canadienne remplit un formulaire de demande simple qui est soumis au siège du programme TAP d’Affaires mondiales à Ottawa.
S’il y a plus de trois demandes d’aide par année, elles sont soumises à un processus concurrentiel qui tient compte de la disponibilité des experts du CMF et des priorités du Canada en matière de développement international, y compris la Politique d’aide internationale féministe du Canada.
Lorsqu’un programme national est confirmé, le CMF choisit des experts parmi les plus de 1200 juges fédéraux au Canada – et d’autres experts du système judiciaire si nécessaire – et organise des déploiements dans le pays.
Tous les juges qui participent au projet PAT sont des bénévoles qui assument cet engagement en plus de leurs fonctions judiciaires. Selon les sujets, l’assistance technique du CMF peut également inclure l’accueil de délégations des pays partenaires pour observer les tribunaux canadiens et les pratiques judiciaires, ainsi que des soutiens en ligne tels que des webinaires et des réunions de consultation.
En plus de l’assistance technique fournie aux pays partenaires dans le cadre du PAT, le PAT offre une occasion unique aux juges canadiens et aux experts des systèmes judiciaires d’apprendre et d’approfondir leurs connaissances des succès et des défis des systèmes judiciaires du monde entier.
Les descriptions des programmes nationaux passés et actuels du PAT sont disponibles ci-dessous.
Programmes nationaux en cours
LA RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE
La Moldavie est devenue une république indépendante en 1991, après l’effondrement de l’Union soviétique. Elle reste politiquement divisée, avec une puissante faction pro-russe cherchant à déstabiliser une faction pro-occidentale. Néanmoins, la Moldavie continue de progresser vers l’adhésion à l’Union européenne.
L’une des conditions d’adhésion à l’UE est le respect des normes de l’UE en matière d’indépendance judiciaire et de fonctionnement du système judiciaire. Les principaux défis auxquels est confronté le système judiciaire sont l’impunité pour les irrégularités judiciaires (avec des règles obsolètes sur l’éthique judiciaire et des faiblesses dans les mécanismes de responsabilité) et la corruption dans le système judiciaire.
Le CMF s’est engagé avec la Moldavie pour deux ans (2023-24 et 2024-25), en partenariat avec le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et le Ministère de la Justice. L’engagement a commencé par une mission entrante au Canada, impliquant des représentants du CSM, du pouvoir judiciaire et de l’Institut national de la justice.
La mission était axée sur « l’éthique judiciaire et la communication du système judiciaire : Renforcer la confiance du public dans l’administration de la justice ». La visite réussie des délégués moldaves au Canada a posé les bases des activités qui ont suivi, en mettant l’accent sur l’adoption des meilleures pratiques canadiennes et en améliorant les aspects clés des opérations judiciaires en Moldavie :
- L’éthique et l’indépendance judiciaires : Une mission canadienne en mars 2023 comprenait plusieurs engagements sur la responsabilité et l’éthique judiciaires, suivis de commentaires détaillés par des experts judiciaires canadiens sur le projet de code de déontologie de la Moldavie, y compris des commentaires sur l’utilisation des médias sociaux, partageant les amendements récemment adoptés par le Canada à ses propres lignes directrices en matière de déontologie. En mai 2024, des juges canadiens ont présenté une conférence nationale sur les thèmes de l’éthique et de l’indépendance judiciaire, abordant les défis spécifiques à la Moldavie tels que les points de vue contradictoires des jeunes juges liés à la liberté d’expression, les défis à la Cour européenne des droits de l’homme et la politisation de la réforme judiciaire.
- Relations avec les médias : Des experts canadiens ont dispensé plusieurs séances de formation aux juges et au personnel des tribunaux en Moldavie sur les relations judiciaires avec les médias et les communications publiques et la sensibilisation. Le projet a également permis d’enregistrer et de fournir au CSM un cours de formation en ligne sur les communications du Tribunal.
- Audiences virtuelles : Les juges canadiens ont partagé leurs expériences et leurs meilleures pratiques sur les questions et les défis liés aux audiences virtuelles, en particulier les audiences transnationales.
- Rédaction de décisions : Un juge canadien a donné une conférence à l’Institut national de la justice sur la rédaction des décisions judiciaires, en mettant l’accent sur la concision de la rédaction juridique, la structuration des avis juridiques et l’exploration des dimensions éthiques des communications judiciaires.
- Amélioration de la communication et de la collaboration entre les parties prenantes au sein du système judiciaire : Le CMF a fourni des exemples et organisé une réunion virtuelle avec des représentants de la communauté des acteurs judiciaires (y compris les juges, le barreau et les procureurs) afin d’explorer la nécessité d’améliorer les canaux de communication interdépartementaux. Cette initiative a souligné l’importance d’améliorer le service public et de coordonner les efforts de réforme. En février 2024, la Cour d’appel de Chisinau, en collaboration avec le CSM, a organisé ses toutes premières consultations publiques.
Programmes nationaux terminés
LA RÉPUBLIQUE D’AFRIQUE DU SUD (2023-2024)
L’Afrique du Sud est confrontée à un ensemble de défis : des taux alarmants de violence sexuelle et sexiste qui portent directement atteinte aux droits des femmes et aux droits de l’homme ; des taux élevés de pauvreté et de chômage qui portent atteinte aux droits de l’homme fondamentaux et à la dignité ; une corruption grave qui a paralysé les institutions de l’État en empêchant la fourniture efficace de services de base.
Bien que l’Afrique du Sud dispose d’un système judiciaire solide qui s’est avéré être un rempart contre la mainmise de l’État, la corruption et les violations des droits de l’homme, il existe des lacunes qui ont un impact sur les droits de l’homme et en particulier sur les droits des femmes. Le pouvoir judiciaire a joué un rôle crucial en garantissant la responsabilité et la transparence du gouvernement.
Le CMF s’est engagé avec l’Afrique du Sud au cours de la première année du PAT (2023-24). Alors que le démarrage du projet a connu un retard parce que les engagements judiciaires attendaient une réunion pionnière entre les juges en chef de la Cour constitutionnelle sud-africaine et de la Cour suprême du Canada – une étape hors du champ d’application du PAT et du CMF et qui a nécessité une planification minutieuse – cela a conduit à un échange fructueux.
Organisée en mars 2024, la rencontre entre les juges en chef respectifs a été la première du genre dans les relations bilatérales entre les deux pays.
Suite à cette visite :
- Communications intrajudiciaires : Le CMF a organisé un webinaire sur les communications intrajudiciaires avec des membres de la magistrature sud-africaine, partageant les pratiques et mécanismes canadiens en matière de communications intrajudiciaires par le biais d’une plateforme internet privée dédiée aux juges.
- Impact de l’intelligence artificielle sur les procédures judiciaires : Le CMF a fourni des informations au Tribunal de grande instance sur les réponses judiciaires au Canada et aux États-Unis aux défis posés par l’intelligence artificielle aux systèmes et opérations judiciaires.
LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE MONGOLIE (2022-2024)
En 1990, la Mongolie a aboli un système de gouvernement totalitaire et a commencé à évoluer vers le pluralisme politique, les valeurs démocratiques et l’État de droit. Ce processus s’est accéléré avec des amendements constitutionnels en 2019 pour accroître l’indépendance de la justice, suivis de nouvelles lois en 2021 pour renforcer les institutions judiciaires.
La Mongolie poursuit désormais un programme ambitieux de modernisation et de réforme de son système judiciaire. La Mongolie s’est tournée vers la communauté internationale pour l’aider dans ces efforts.
Le CMF s’est engagé avec la Mongolie pendant deux ans, de 2022 à 2024 (la phase pilote et la première année du projet complet). Initialement, le CMF s’est engagé à fournir une assistance technique dans les domaines de l’éthique et de la responsabilité judiciaires, ainsi que des communications publiques judiciaires et des relations avec les médias. Au fur et à mesure que les relations entre les juges canadiens et mongols se sont approfondies, les partenaires mongols ont demandé plus d’aide et ont entrepris leurs propres initiatives inspirées et parfois même modelées sur les modèles canadiens. Les principaux partenaires en Mongolie étaient le Comité général judiciaire (CGJ), qui a une vaste compétence de supervision des affaires judiciaires, et le Comité disciplinaire judiciaire (CDJ).
Quelques-uns des principaux résultats du PAT en Mongolie :
- Éthique judiciaire : Le CMF a aidé la Mongolie à élaborer un code de déontologie pour le pouvoir judiciaire et à créer un comité consultatif d’éthique judiciaire (CCE). Une fois le CCE mis en place, le CMF a contribué à la formation de ses nouveaux membres.
- Comité de discipline judiciaire :Avec le soutien du CMF, le CDJ a produit un guide public complet sur ses procédures et sur la manière de déposer une plainte. Le CDJ a également élaboré un document de politique interne sur les communications de crise afin de permettre au personnel de gérer des questions très médiatisées ou inattendues.
- Formation aux relations avec les médias : Des experts canadiens ont dispensé un cours de formation en ligne sur les meilleures pratiques en matière d’information du public et de relations avec les médias. Au total, 166 membres du personnel du système judiciaire ont suivi ce cours, notamment des juges, des auxiliaires de justice, des responsables de la communication et des responsables informatiques.
- Programme de formation pour les nouveaux juges en chef : Le CMF a contribué à l’élaboration d’un programme pour un cours de formation destiné aux nouveaux juges en chef. En Mongolie, les juges en chef sont nommés pour chaque Tribunal et ont un mandat de trois ans ; il y a donc un besoin urgent de formation et d’orientation régulières.
- Premier rapport annuel de la Cour suprême de Mongolie :Après qu’une délégation mongole a visité la Cour suprême du Canada dans le cadre d’une mission au Canada, la Mongolie a produit son propre rapport annuel de la Cour suprême, sur le modèle du rapport de la Cour suprême du Canada.
- Feuille de route pour la mise en œuvre du principe du Tribunal ouvert : Avec le soutien du PAT, le CGJ et l’ONG mongole des Innovations juridiques ont produit une « feuille de route » pour la mise en œuvre du principe du « Tribunal ouvert » en Mongolie. Le principe du Tribunal ouvert a figuré en bonne place dans les présentations faites aux Mongols sur le système judiciaire canadien.
- Des balados sur les questions judiciaires en Mongolie : Suite aux formations sur les relations avec les médias, les membres du CGJ et du CDJ ont enregistré un total de quatre balados sur le système judiciaire. Les balados portaient sur les thèmes suivants : « Le tribunal est-il “ouvert” ? », « Le tribunal est-il “indépendant” ? », « Le juge est-il “responsable” ? » et « Le développement du Tribunal ». Des milliers de personnes ont écouté les balados.
- Guide du système judiciaire à l’usage des parlementaires :Avec le soutien du PAT, nos partenaires ont élaboré un guide du système judiciaire à l’intention des parlementaires, en mettant l’accent sur les principes de l’indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs. La CGJ a négocié avec succès avec la Commission électorale mongole l’utilisation de ce document dans les documents d’orientation destinés aux nouveaux parlementaires.
- Guide des médias sur la couverture du Tribunal : Sur la base des formations et des ressources fournies par le PAT, la CGJ a produit un guide des médias sur la couverture des tribunaux, un document de référence pour les aspirants journalistes judiciaires, soulignant le rôle essentiel du journalisme judiciaire dans le maintien des principes d’un système judiciaire démocratique et transparent.
LA RÉPUBLIQUE DE COLOMBIE (2022-2023)
Au cours de ses quatorze années d’existence, la Commission nationale pour l’égalité des sexes du pouvoir judiciaire de la Colombie a joué un rôle clé dans la promotion de l’égalité des sexes au sein du pouvoir judiciaire. Elle a favorisé l’intégration de la dimension de genre dans le travail du pouvoir judiciaire, en produisant des décisions qui intègrent cette perspective et influencent les processus de gestion des ressources humaines et les connaissances des fonctionnaires judiciaires au sein du pouvoir judiciaire.
Toutefois, la vaste couverture territoriale du pouvoir judiciaire, la rotation des fonctionnaires judiciaires et l’influence socioculturelle des stéréotypes de genre sur les attitudes et les comportements des fonctionnaires se sont révélées des obstacles au renforcement de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le CMF s’est engagé avec la Commission nationale du genre dans la phase pilote du programme PAT (2022-23). Cette coopération a commencé par la visite au Canada d’une délégation judiciaire colombienne de haut niveau pour renforcer les efforts de la commission en vue de transformer la culture judiciaire et d’assurer l’application uniforme des politiques et des lois en matière d’égalité des sexes dans l’ensemble du pays.
Cette visite a été suivie de deux missions d’experts canadiens en Colombie et d’une série de webinaires sur des sujets, tels que la sensibilisation au contexte social pour les juges et les fonctionnaires des tribunaux, les questions de justice autochtone au Canada et le renforcement de l’éthique et de la responsabilité judiciaires. Le CMF a aidé le système judiciaire colombien à procéder à une auto-évaluation de l’égalité des sexes et a fourni une analyse des lacunes et des recommandations de réforme.
Le résultat le plus important du projet a été le soutien au développement d’un Tribunal intégré pour la violence domestique (TIVD), un tribunal spécialisé qui aide les familles confrontées à une accusation pénale de violence domestique et à une séparation familiale en même temps, en abordant les questions de soutien, de garde et de visite, etc. Les juges canadiens ont identifié les défis, partagé leurs expériences et souligné l’importance d’une collaboration continue pour traiter des questions telles que la violence fondée sur le genre et améliorer l’accès à la justice pour tous. Les consultations ont souligné la nécessité de poursuivre la collaboration, la consultation et l’examen minutieux du cadre juridique colombien afin de garantir la réussite de la mise en œuvre du modèle TIVD dans le pays.