Conférence de l’ICAJ sur les peuples autochtones et le droit : les points à retenir

Publié par
mercredi, 27 juillet 2022
Publié dans Dernières nouvelles

 

La conférence de l’ICAJ sur les peuples autochtones et le droit s’est déroulée à Vancouver et en ligne, du 17 au 19 novembre 2021. Un rapport faisant ressortir les points forts des précieuses analyses, observations et recommandations issues de la Conférence a été rendu public à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, en juin 2022.

Pour nous aider à mieux comprendre ce rapport intitulé « Affirmation de l’autonomie gouvernementale », nous avons discuté avec son auteur, Me Nathan Afilalo, à qui nous avons posé les questions suivantes :

Quel était le contexte de la conférence ?

Au cours des trois jours, huit groupes composés d’aînés autochtones, de juges, d’avocats, d’universitaires et de professionnels du droit non autochtones ont discuté de questions allant de l’autonomie gouvernementale et des ordonnances juridiques autochtones à la protection de l’enfance et aux expériences des étudiants autochtones à la faculté de droit. En tout, près de 500 personnes ont pu participer, en personne ou en ligne.

Pourquoi avez-vous choisi ce thème précis pour votre rapport ?

Tout au long des divers sujets qui ont été abordés, les expériences et la sagesse partagées ont soulevé une question fondamentale: l’autonomie gouvernementale des Autochtones. Tous les panels, sans exception, en ont fait mention. L’autodétermination était le point à partir duquel les discussions ont commencé ou culminé. Le rapport reproduit les aspects de l’autonomie gouvernementale autochtone qui ont été mis en évidence et qui ont été repris tout au long de la conférence. Trois domaines généraux ont été abordés, soit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en tant qu’instrument juridique, les récits juridiques liés à l’autonomie gouvernementale des Autochtones, ainsi que les lois autochtones et le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Le rapport porte sur ces sujets.

Est-ce que le choix a été difficile ?

Ho, oui. Et ce n’est parce qu’il manquait d’autres thèmes clairs. Au contraire, c’est plutôt parce qu’il y avait de nombreux autres points de vue qui auraient pu servir de fil conducteur pour faire le récit de la conférence. Par exemple, nous aurions pu prendre l’angle du « dialogue » ou de la « décolonisation ». Cependant, l’objectif final de l’une ou l’autre de ces idées était, entre autres, l’autodétermination. Nous avons donc choisi la voie la plus directe vers le message qui résonnait le plus fortement et qui était inhérent à presque tous les panels.

Cependant, lors de la discussion sur la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières nations, des Inuits et des Métis (panel no 5), Cindy Blackstock a remis en question la primauté de la compétence. La loi reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, ce qui inclut la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille. Mme Blackstock a toutefois souligné qu’il fallait se concentrer davantage sur l’amélioration immédiate de la santé des enfants autochtones. Selon elle, bon nombre des problèmes sont connus de longue date, comme les mauvaises conditions de logement, la pauvreté et la violence familiale. Elle a fait valoir que, même avec la reconnaissance de la compétence autochtone, bon nombre de ces problèmes demeureront.

Y a-t-il des mesures concrètes que nous pouvons adopter à l’issue de la conférence ?

Il y en a plusieurs. La réponse dépend de la personne qui lit, de sa profession et des pouvoirs qu’elle exerce. Nous pouvons reprendre ce que le chef Robert Joseph a proposé au premier matin de la conférence, à savoir qu’il faut s’éduquer en allant à la rencontre des Autochtones, de leurs dirigeants et de leurs ambassadeurs. À commencer par ceux dont on habite les territoires ancestraux ou dont le travail a le plus d’impact. Dans l’immédiat, en tant qu’avocat ou juge canadien, il s’agit de connaître la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Lors du même panel mentionné ci-dessus, l’avocate Halie Bruce et la Dre Sarah Morales ont discuté d’un guide de la loi qui aide à la fois les communautés autochtones à s’y retrouver et à mettre en œuvre leurs propres lois, tout en servant de guide général pour les praticiens du droit qui pourraient aider à interpréter et à utiliser la loi. De plus, il convient de suivre l’évolution de la jurisprudence, comme la décision de renvoi de la Cour d’appel du Québec Renvoi à la Cour d’appel du Québec relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2022 QCCA 185, qui a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada.

Ce qui a été répété lors de la conférence, c’est que les juristes non autochtones doivent se renseigner sur les lois autochtones, rechercher les sources de compétence en matière autochtone et combler le fossé de la méconnaissance. Des sources telles que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la Commission de la vérité et de la réconciliation du Canada, la Commission royale sur les peuples autochtones et le Report of the Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba regorgent d’éléments concrets. Le gros du travail commence par la familiarisation avec les questions sur lesquelles on peut agir maintenant, et qui mèneront à des actions plus importantes que nous pouvons entreprendre par la suite.


Lire le rapport : Affirmation de l’autonomie gouvernementale : rapport issu de la conférence annuelle de l’ICAJ sur les peuples autochtones et le droit
Ce rapport est disponible en anglais et en français

À propos de l'auteur

Nathan Afilalo, avocat

Nathan Afilalo, avocat

Chef des affaires juridiques

Diplômé du programme BCL/LLB de l'Université McGill, Nathan a occupé le premier poste de stagiaire créé à l'ICAJ. Formé à la fois en droit civil et en common law, il a été admis au Barreau de l'Ontario en 2020 et prépare maintenant son examen pour le Barreau du Québec. Il a effectué un stage à la Cour municipale de Montréal et s'est impliqué auprès d'organismes montréalais œuvrant dans le domaine de l'accès à la justice, comme la Clinique juridique du Mile-End et le Centre de recherche-action sur les relations raciales. À l'ICAJ, Nathan effectue des recherches liées à nos discussions nationales sur de grands enjeux, rédige des rapports et contribue à la mise en œuvre de diverses activités.