La médiation en Cour supérieure : leçons et perspectives

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lundi, 7 janvier 2019
Publié dans Dernières nouvelles

Le juge en chef Fournier, modérateur du panel, n’aurait pu être plus clair : dans le futur, c’est le procès qui deviendra la méthode alternative de résolution de conflit. Cette affirmation montre bien le ton du panel durant lequel les trois intervenants, les juges André Roy et Alain Michaud et le juge en chef ont présenté les avantages de la médiation en Cour supérieure. Le juge Fournier a débuté la présentation en expliquant comment la médiation est une approche « gagnant-gagnant » pour les parties qui cherchent avant tout à régler leur conflit.

Dans la foulée de l’arrêt Jordan, la Cour supérieure a obtenu un budget pour développer un programme de juges retraités qui agissent comme médiateurs. Cette initiative a permis de réduire les délais à trois semaines seulement afin d’obtenir une conférence de règlement à l’amiable (CRA). En plus de réduire les délais, ce programme permet de faire des économies et d’offrir une procédure efficace, dans le respect du devoir de proportionnalité et d’accessibilité que demande le Code de procédure civile. En termes de leçons apprises, le juge Fournier remarque que l’autorité morale du médiateur, sa préparation et sa bonne connaissance du dossier sont des garanties de succès. L’attention aux détails, même ceux qui n’ont pas d’importance pour la résolution du conflit, est garante de succès car elle montre aux parties que le médiateur s’intéresse réellement à leur dossier. D’ailleurs, le juge Fournier remarque que les juges adoptent un rôle de plus en plus « facilitatif » dans la médiation, contrairement à un rôle « évaluatif » qui amène le médiateur à toujours évaluer l’endroit où le procès serait rendu si le litige n’avait pas été soumis à la médiation.

Le juge André Roy de la Cour supérieure a ensuite présenté les résultats d’une recherche portant sur le sentiment d’accès à la justice des justiciables et des avocats à l’égard des conférences de règlement à l’amiable , réalisée par le professeur Jean-François Roberge de l’Université de Sherbrooke. Ce sentiment repose sur trois éléments, à savoir l’impression d’équité, celle d’utilité, et enfin le sentiment du support professionnel. Plus de 700 avocats et justiciables ont répondu à un questionnaire détaillé pour évaluer leur satisfaction par rapport aux CRA. Le juge Roy en a présenté les grandes conclusions, lesquelles s’avèrent très positives. Le degré de satisfaction moyen se situe à 83%. Le degré de satisfaction à l’égard de l’équité se situe à 71%, le degré de satisfaction à l’égard de l’utilité est de 88%, et celui pour le support professionnel de la part du juge se situe à 89%. L’étude a aussi mis en lumière certains facteurs qui contribuent au sentiment d’accès à la justice, tel le rôle de facilitateur et de « solutionneur de problèmes » du juge médiateur. D’ailleurs, le juge Roy fait remarquer que la formation en médiation qui est offerte aux juges de la Cour supérieure, met l’accent sur les rôles de facilitateur et de solutionneur. Le rôle du juge est capital. L’étude du professeur Roberge montre que lorsque les justiciables se sentent traités avec respect, ils trouvent une plus grande motivation à régler leurs conflits.

Le juge Alain Michaud de la Cour supérieure a insisté sur le taux de rendement des CRA : à la suite d’une expérience à Québec par laquelle les dossiers les plus longs ont été regroupés sur une certaine période de temps, on a pu calculer qu’en un an, 300 jours de procès ont été épargnés! En plus de permettre d’économiser temps et ressources, les chiffres montrent que les CRA fonctionnent! Le juge Michaud évalue le taux de réussite des CRA à 85%, avec plus de 1 000 séances tenues en Cour supérieure.

Le juge Michaud présente aussi certaines leçons à tirer du passé. Selon lui, s’il est contre-productif d’obliger les parties à la médiation, il s’avère utile de leur faire comprendre qu’il leur est possible de régler. De plus, il réaffirme l’importance d’éduquer les avocats à faire de la médiation, ainsi que l’importance de respecter le bon « timing » pour les CRA.


PANEL : La médiation en Cour supérieure : leçons apprises et regard sur l’avenir
Modérateur : L’honorable juge en chef Jacques Fournier, Cour supérieure du Québec
Conférenciers : L’honorable André Roy; l’honorable Alain Michaud, Cour supérieure du Québec

Ce compte rendu a été publié par l’Institut canadien d’administration de la justice le 7 janvier 2019, dans la foulée d’un séminaire international en l’honneur du 20e Anniversaire Médiation judiciaire. L’événement a eu lieu à Montréal le 22 novembre 2018, sous la présidence d’honneur de la juge en chef du Québec, l’honorable Nicole Duval Hesler.

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À propos de l'auteur

Andréanne Lacoursière

Andréanne Lacoursière

Étudiante, Faculté de droit de l'Université de Montréal