Compte rendu de programme : L’impact des documents constitutionnels sur la question des conflits internes liés à la culture et à la religion (panel no 3)

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vendredi, 5 janvier 2018
Publié dans Dernières nouvelles

42e Conférence annuelle
Panel no 3 : L’impact des documents constitutionnels sur la question des conflits internes liés à la culture et à la religion (mardi 3 octobre 2017)

Compte rendu réalisé par Me Lise Brun, doctorante, Faculté de droit de l’Université de Montréal (PDF)

*** Les références numérotées se trouvent à la toute fin du présent texte

Constituant un défi pour toutes les sociétés démocratiques occidentales, une réflexion sur la prise en compte en droit de la diversité culturelle et religieuse ne peut s’envisager sans une approche comparative.

C’est justement à une mise en perspective des approches canadiennes et européennes que l’honorable Yves-Marie Morissette, juge à la Cour d’appel du Québec et modérateur de ce panel, a convié les participants lors de l’ouverture de la deuxième journée de la 42e conférence annuelle de l’Institut canadien d’administration de la justice.

Pour ce faire, deux conférenciers ont été invités en raison de leur grande expertise du sujet. Tout d’abord, le doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Jean-François Gaudreault-DesBiens, s’est vu attribuer la charge de présenter les enjeux canadiens. Titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur les identités juridiques et culturelles nord-américaines et comparées, il s’intéresse depuis quelques années spécifiquement à la question de la saisie juridique des revendications religieuses dans les sociétés libérales multiculturelles. La professeure Marie-Claire Foblets, directrice du département de droit et anthropologie de la Société Max Planck en Allemagne, a été invitée à s’exprimer sur la perspective européenne. Son expérience dans plusieurs pays européens, sa formation pluridisciplinaire et ses travaux récents sur la place des minorités culturelles et religieuses en Europe lui ont permis d’apporter un éclairage différent sur la question.

En Europe comme au Canada, les minorités culturelles et religieuses tentent de faire respecter les différents aspects de leur identité en invoquant devant les tribunaux les déclarations de droits en vigueur dans leur ordre juridique. Par conséquent, il s’agissait d’étudier l’impact, mais aussi les limites de ces documents en matière de conflits relatifs à la diversité religieuse et culturelle, et ce, de part et d’autre de l’Atlantique.

Le doyen Jean-François Gaudreault-DesBiens
Comme l’a, à très juste titre, souligné le doyen Jean-François Gaudreault-DesBiens en présentant l’état du droit positif canadien, un détour par le Vieux Continent rend compte de la diversité des options interprétatives possibles. Loin de permettre d’établir des hiérarchies entre ces dernières, la divergence de la jurisprudence à l’échelle mondiale met en relief la complexité de ces questions.

Pour le Canada, où la question se pose avec une acuité particulière, l’intervention s’est centrée sur la Charte canadienne des droits et libertés telle qu’interprétée par les tribunaux. En effet, ce sont surtout sur les articles 2 (dans ses volets liberté de conscience et de religion et liberté d’expression), 15 (droit à l’égalité) et 27 (principe d’interprétation promouvant le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel) de la Charte que tous les Canadiens issus de la diversité multiculturelle peuvent s’appuyer pour faire valoir leurs revendications.

Explicitant sa démarche, M. Gaudreault-DesBiens a révélé d’entrée de jeu sa conclusion : la Cour suprême du Canada, après avoir un temps hiérarchisé implicitement certains droits fondamentaux, notamment au profit de la liberté de religion1, semble aujourd’hui plus ouverte à différentes rationalités justifiant la limitation de cette dernière. Néanmoins, il est pour ainsi dire impossible de chercher dans la jurisprudence de la Cour des « recettes intellectuelles qui régleraient d’en haut les dilemmes normatifs les plus aigus que pose la saisie de la diversité ». La texture ouverte des dispositions de la Charte, l’utilisation d’une méthode d’interprétation casuistique issue de la common law, les discontinuités dans la jurisprudence de la Cour provoquée par l’évolution de sa composition et des contextes dans lesquels elle statue et l’utilisation d’un test de proportionnalité pour contrôler les limites étatiques aux droits, permettent de l’expliquer aisément. Par conséquent, c’est à l’identification de dynamiques interprétatives, susceptibles elles-mêmes de nouvelles évolutions selon les contextes des litiges, que le M. Gaudreault-DesBiens a choisi de dédier son intervention.

Bien que la question de la liberté d’expression ait aussi été examinée2, c’est surtout l’étude des arrêts relatifs à la liberté de religion qui a occupé la plupart des développements du doyen. Cette liberté a en effet constitué le « pivot des débats identitaires » au Canada et en particulier au Québec ces trente dernières années. Par conséquent, la jurisprudence s’y rapportant est particulièrement illustrative de l’évolution générale de la jurisprudence de la Cour : cette dernière semble vouloir tempérer l’approche, perçue par certains comme trop absolutiste, qu’elle avait adoptée en 2004 et en 2006 avec ses célèbres arrêts Amselem3 et Multani4.

Comme l’a rappelé M. Gaudreault-DesBiens, les juges d’Ottawa n’ont certes pas modifié leur exigence de la sincérité du croyant dans sa perception du caractère obligatoire d’une pratique ou d’une croyance et celle du caractère non négligeable de l’entrave opposée à son exercice par la mesure étatique. Néanmoins, ils semblent s’efforcer de tenir compte du contexte très particulier de chaque litige.

L’arrêt Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony5 a été ici proposé comme illustration6. En ce qu’ils démontrent un refus de hiérarchiser un droit par rapport à un autre de manière abstraite, les arrêts faisant intervenir des conflits de droits fournissent aussi selon le doyen des exemples très pertinents.
Ainsi, faute de preuves de comportements discriminatoires effectifs, la Cour suprême a jugé contraire à la liberté de religion, la décision d’un organisme public de refuser d’agréer un programme d’une université privée interdisant à ses membres de se livrer à des pratiques sexuelles considérées comme pécheresses7.

Mais, dans d’autres contextes, elle a adopté une « conception bienveillante de la neutralité » en se servant de l’article 27 de la Charte. Estimant par exemple que, si les opinions religieuses mêmes controversées n’avaient pas à être expurgées du débat public, elles ne pouvaient pas non plus justifier que les décisions d’un conseil scolaire d’une école publique aillent à l’encontre de ses missions de promotion de l’inclusion et de la tolérance dans une société multiculturelle8.

Dans tous les cas, pour M. Gaudreault-DesBiens, le droit positif ne laisse guère de doute : la neutralité impose à l’État de n’endosser aucune religion, rendant même inopérant tout argument fondé sur la culture, l’histoire ou encore la tradition9.

De manière encore plus significative, M. Gaudreault-DesBiens a achevé sa démonstration en invoquant l’arrêt fortement médiatisé N.S.10. Au vu des enjeux très sérieux à prendre en compte, c’est encore la prudence qui a guidé la Cour suprême dans l’examen de ce cas impliquant une victime d’agression sexuelle revendiquant le droit de témoigner avec son niqab au procès de son agresseur présumé. Dans son approche, fort éloignée des raccourcis que l’on a pu trouver dans la presse, elle a d’ailleurs rappelé que l’équilibrage des droits en cause, en l’espèce la liberté de religion versus le droit de défense pleine et entière, ne pouvait être réalisé dans l’abstrait et qu’il appartenait au juge d’y procéder dans chaque instance en n’oubliant pas de prendre en compte les enjeux sous-jacents de chaque droit.

Passée cette analyse fouillée de la jurisprudence relative à la Charte, M. Gaudreault-DesBiens, en guise de conclusion, dresse modestement quelques lignes directrices très générales pouvant guider les juges. Ces affaires sont souvent l’occasion d’une crispation du contexte politique et social. En particulier, au Canada et surtout au Québec, certains discours politiques demandent l’adoption d’une conception « française » de la laïcité. Outre que le modèle français est très souvent déformé par ceux qui s’en réclament11, les tribunaux doivent à tout prix, selon lui, trouver le moyen de s’extraire de ce « bruit ». En effet, leur mission demeure de trancher des litiges au cœur desquels se trouvent des justiciables. Bien plus, qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, le cadre constitutionnel canadien ne lui paraît pas permettre à l’heure actuelle l’adoption d’une neutralité telle que pratiquée en France. Dans cette perspective, la notion d’« intelligence culturelle » a été proposée par le doyen comme porte de sortie. Celle-ci devrait être cardinale dans le travail juridictionnel. En particulier, elle pourrait permettre selon lui d’éviter aux juges de tomber dans les pièges dangereux qui leur sont tendus, comme l’essentialisation des cultures, les préjugés, l’ethnocentrisme ou encore le déterminisme. M. Gaudreault-DesBiens a à très juste titre rappelé que ce qui apparaît anodin aux uns est en effet loin de l’être pour d’autres12. Loin de simplement correspondre à une forme de bien-pensance, il a exprimé l’espoir que la prise en compte de paramètres normatifs, mais aussi éthiques et comportementaux permette de rendre une « justice individualisée et égalitaire ».

La professeure Marie-Claire Foblets
La professeure Marie-Claire Foblets apporte « une » vision européenne de ce que représentent la diversité culturelle et religieuse. Insistant sur ce « une », la directrice du département de droit et anthropologie de la Société Max Planck a souhaité souligner à titre de propos liminaires que d’autres représentants de l’Europe apporteraient certainement un témoignage différent. D’autant plus que sur cette thématique, les solutions européennes sont extrêmement plurielles.

Tout comme son prédécesseur, c’est par la conclusion que Mme Foblets a estimé devoir débuter son intervention. En Europe, les cadres constitutionnels hérités du passé sont partiellement datés : ils protègent essentiellement les religions traditionnelles et majoritaires. La discussion autour d’un éventuel changement de ces régimes ne se fait pas sans tensions, tant ces derniers sont ancrés dans l’histoire de chaque pays. Néanmoins, la conséquence de ce statu quo est immédiate sur le travail juridictionnel. Bien qu’on leur en demande beaucoup trop, les juges doivent, dans un cadre normatif non adapté, affronter et trouver des solutions à la diversité culturelle et religieuse. Et tout cela sous dans le cadre d’une médiatisation croissante de la justice13. C’est ainsi qu’elle a souhaité soulever son chapeau à mesdames et messieurs les juges !  Mais au-delà de l’expression de sa reconnaissance de l’extrême complexité des missions juridictionnelles face à la diversité, c’est surtout ses inquiétudes que la professeure Foblets met en exergue. Ces dernières trouvent leur source dans deux questionnements principaux. Est-on toujours dans la recherche d’un avenir commun lorsqu’on demeure dans le passé ? Les juges sont-ils vraiment les acteurs appropriés pour trouver les solutions au problème de la gestion de la diversité culturelle et religieuse ? N’assistons-nous pas à une « religiosation » des prétentions judiciaires ?

Comme indiqué par la conférencière, son propos s’appuiera largement sur deux projets de recherche et en particulier sur les données empiriques récoltées à cette occasion.

Le premier projet est terminé mais n’a pas perdu de sa pertinence. Il a été commandité et financé par la Commission européenne pour déterminer l’état de la liberté religieuse et de la liberté de ne pas croire dans dix pays européens et ce que pourrait faire l’Union européenne en vue d’améliorer la situation14. Au-delà de la description de l’état du droit positif, les 13 équipes de chercheurs impliqués ont réalisé des entretiens avec les citoyens issus de la diversité culturelle et religieuse pour connaître la manière dont ils perçoivent le cadre étatique et la jurisprudence en la matière15.

Le second projet, réalisé en collaboration avec deux réseaux de juges16, cherche à récolter des informations sur la manière dont ces derniers vivent leurs missions dans un cadre constitutionnel imparfait17 et à proposer des instruments pour les aider dans leur travail. En particulier, les chercheurs associés au projet sont actuellement en train d’élaborer, d’une part, une banque de jurisprudence relative à la question de la saisie de la diversité religieuse et culturelle traduites dans plusieurs langues et, d’autre part, un instrument qui permettrait aux juges de consulter des renseignements objectifs sur les cultures et les religions fournis par des experts.

Ces deux projets de recherche ont conduit Mme Foblets au constat suivant : tous les États européens ont opté pour la sécularisation afin de régler les rapports religion — droit étatique. Bien que la sécularisation prenne de nombreuses formes, les États européens sont censés être neutres et adopter la même attitude vis-à-vis de tous les citoyens, quelle que soit leur confession. Néanmoins, imaginée il y a très longtemps, cette neutralité profiterait aujourd’hui essentiellement aux religions majoritaires. Les deux exemples donnés par Mme Foblets sont, de ce point de vue, très éclairants : aussi bien les jours fériés que la nécessité de recourir à des représentants pour dialoguer avec l’État désavantagent certaines religions au profit des confessions historiques.

Son deuxième constat est le suivant : les nombreux anachronismes des cadres constitutionnels européens conduisent les minorités discriminées, directement ou indirectement, à s’adresser aux juges pour chercher une protection. Comme noté par la professeure, un tel recours à la justice est tout à fait logique puisque nos sociétés sont censées prôner la non-discrimination. Or si les législateurs refusent d’adapter l’état du droit positif au nom de la tradition et de l’histoire, mais surtout en raison des crispations suscitées par ces questions au sein des populations18, les tribunaux eux ne peuvent pas verser dans le populisme. Sur des questions aussi diverses que la présence de crucifix dans les salles de classe, le voile intégral, la construction de mosquées ou encore le port du foulard, les juges sont contraints de prendre leurs responsabilités quand un litige se présente à eux.

Dès lors, pour Mme Foblets, une question se pose inévitablement : doit-on craindre ce qu’il est fréquent de nommer « le gouvernement des juges » ? Bien que nuancée, la réponse lui apparaît être plutôt positive. En effet, si dans certains pays, la jurisprudence, y compris celle des tribunaux inférieurs, est facile d’accès, dans d’autres au contraire très peu de visibilité est donnée aux décisions de justice. De surcroît, les juges travaillent avec de nombreuses contraintes matérielles et sont quasiment placés en position de s’immiscer dans les affaires religieuses. Selon elle, il y a là autant de raisons de craindre de trop, voire de tout, attendre des juges. D’autant plus que le litige est censé être une exception, l’« último remedio ».

Enfin, l’analyse plus précise de la jurisprudence européenne mène la professeure Foblets à un troisième constat : bien que ne pouvant leur être imputé, le recours aux juges ne permet pas de véritablement résoudre la question de la saisie de la diversité religieuse et culturelle. Particulièrement en Europe où coexistent, à côté des juges nationaux, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme, la judiciarisation de ces questions aboutit à de multiples solutions contradictoires. De ce point de vue, un exemple d’actualité donné par Mme Foblets est significatif. Il s’agit de celui du port du foulard au travail dans le secteur privé. Le 14 mars 2017, la Cour du Luxembourg a rendu deux décisions concernant la Belgique et la France autorisant une entreprise à interdire le port de signe religieux au motif que la liberté de l’entreprise passe avant la liberté religieuse19. Les justiciables cherchent désormais une décision contraire du côté de Strasbourg. On aboutit dès lors à une véritable compétition en matière d’interprétation des droits sur le continent européen. Pourtant la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas nécessairement mieux placée pour répondre aux revendications des minorités religieuses et culturelles. En effet, elle subit de plus en plus les menaces des États qui la contraignent, pour préserver sa crédibilité à long terme, à recourir à la théorie de la marge nationale d’appréciation20, voire à opérer de spectaculaires renversements de solutions21. Or un tel désengagement risque fortement de décourager le peu de minorités religieuses qui font l’effort d’aller jusqu’à Strasbourg22 alors même que les entretiens issus du projet commandité par la Commission européenne montre déjà l’émergence de ce qu’on appelle en anthropologie une « self-exclusion » et une « community of victims » 23. De manière générale, il semble, pour Mme Foblets, que procédant au cas par cas, les pouvoirs judiciaires, nationaux comme supranationaux, ne disposent pas des outils suffisants pour trouver des solutions pérennes et généralisatrices à la gestion de la diversité religieuse et culturelle.

Malgré ces fortes inquiétudes, c’est par la formulation de quelques pistes de réflexion que Marie-Claire Foblets a voulu conclure. Ainsi, rendre plus visibles les raisonnements juridiques se donnant la peine de la contextualisation, la mise en place d’accommodements raisonnables sur le modèle de ce qui existe déjà au Canada ou d’expériences de démocratie délibérative venant compléter la représentation pourraient constituer un début de réflexion. Il semble surtout, pour Mme Foblets, qu’il faille espérer que les communautés elles-mêmes trouvent le chemin pour aider à mener cette réflexion quant à notre avenir commun.

La qualité des deux interventions de ce panel n’a pas manqué d’engendrer un riche échange avec la salle. Celui-ci a essentiellement permis de poursuivre la réflexion sur la difficulté de la tâche incombant aux juges. Malgré le risque de rupture entre le monde judiciaire et les majorités, il semble absolument nécessaire qu’il se tienne loin de toute forme de démagogie et de préjugés. De la même manière, si les juges ne doivent jamais oublier le caractère fondamental des droits qu’ils interprètent, ce sont pourtant des solutions adaptées au contexte particulier de chaque litige qu’ils sont censés élaborer. Finalement, l’honorable Nicole Duval-Hesler, juge en chef de la Cour d’appel du Québec et présidente d’honneur de la conférence, a proposé l’existence d’un élément coercitif, pouvant venir aussi bien de l’État que du groupe minoritaire, comme point de départ de toute analyse juridique. Autant de réflexions qui ne manqueront assurément pas de mûrir dans l’esprit de chacun des participants alors que la Cour supérieure du Québec devra très prochainement statuer dans un contexte politique tendu sur la loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État.

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1 Comme remarqué par le doyen Jean-François Gaudreault-DesBiens lui-même, cette analyse de la jurisprudence est partagée par de nombreux auteurs et avait été développée la veille par le Professeur Louis — Philippe Lampron.
2 De ce point de vue, les arrêts de la Cour suprême Keegstra, Bou Malhab et Whatcott respectivement en date de 1990, de 2011 et de 2013 et l’arrêt de la Cour d’appel du Québec Jeunes Canadiens pour une civilisation chrétienne c. Fondation du Théâtre du Nouveau-Monde ont fait l’objet de développements.
3 CSC, Syndicat Northcrest c. Asmelem, [2004] 2 RCS 551.
4 CSC, Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 RCS 256.
5 CSC, Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 RCS 567.
6 Dans cette espèce, la Cour suprême accepte de voir dans les risques liés au vol d’identité et l’impératif de vérification de l’identité des conducteurs automobiles une justification raisonnable à l’exigence faite à toutes les détenteurs d’un permis de conduire en Alberta que leurs photographies apparaissent sur leur permis.
7 Parmi celles-ci se trouvait l’homosexualité. CSC, Université Trinity Western c. British Columbia College of Teacher, [2001] 1 RCS 772.
8 CSC, Chamberlain c. Surrey School District No 36, [2002] 4 RCS 710. En l’espèce, le conseil scolaire, invoquant la religion, refusait que soient diffusés des manuels promouvant la tolérance à l’égard des unions entre personnes de même sexe. Pour une autre décision sous-tendue par une sorte d’« ethos multiculturaliste », voir : CSC, S.L. c. Commission scolaire des Chênes, [2012] 1 RCS 235. En sens inverse s’agissant d’une école privée : CSC, École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), [2015] 1 RCS 613.
9 Concernant la récitation d’une prière lors d’un conseil municipal : CSC, Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), [2015] 2 RCS 3.
10 CSC, R. c. N.S., [2012] 3 RCS 726.
11 Le Professeur Jean-François Gaudreault-DesBiens a ainsi bien voulu insister sur le fait que la laïcité à la française ne saurait se réduire à l’interdiction des signes religieux ostentatoires.
12 Les travaux anthropologiques, invoqués par M. DesBiens, l’ont suffisamment démontré.
13 Comme l’a rappelé la professeure Marie-Claire Foblets, les arrêts de Strasbourg et de Luxembourg sont extrêmement attendus.
14 Il s’agit du projet « Religious Diversity and Secular Models in Europe : Innovative Approaches to Law and Policy » (RELIGARE) qui s’est étendu de février 2010 à janvier 2013.
15 Des recommandations ont également été formulées.
16 Le premier est the European Judicial Training Network et le second the European Network of Councils for the Judiciary.
17 Là encore, la technique des entretiens est privilégiée et celle-ci est utilisée sur un échantillon d’une centaine de juges appartenant à 14 pays européens.
18 La professeure Marie-Claire Foblets a pris grand soin de souligner à l’auditoire le contexte européen où les vagues migratoires, mal contrôlées et mal gérées, sont vécues comme « parasitaires » par une importante partie de la population.
19 C.J.U.E., 14 mars 2017, Bougnaoui et ADDH, C-188/15 et C.J.U.E., 14 mars 2017, G4S Secure solutions, C — 157-15.
20 La Professeure a donné l’exemple de l’arrêt S.A.S. c. France de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce dernier, la juridiction de Strasbourg a conclu à l’absence de violation de la Convention en notant que la préservation des conditions du « vivre ensemble » était un objectif légitime à la restriction contestée et que l’État disposait d’une ample marge d’appréciation sur cette question de
politique générale suscitant de profondes divergences en Europe. Pour plus de détails, voir : C.E.D.H., 1er juillet 2014, S.A.S. c. France, n° 43835/11, Rec. 2014.
21 Marie-Claire Foblets sur ce point a fait référence aux arrêts successifs Lautsi I et Lautsi II. Alors que la Cour en formation de chambre avait jugé que la présence de crucifix dans la salle de classe d’une école publique italienne violait la CEDH, à peine deux ans plus tard, les juges européens réunis en grande chambre ont conclu à la non-violation de la Convention en raison de la marge d’appréciation dont bénéficie l’État sur une question hautement controversée. Plus précisément, il semble surtout importer à la Cour que la présence du crucifix ne conduise pas à une forme d’endoctrinement. Or en l’espèce la présence du crucifix donne simplement à la religion majoritaire du pays une visibilité prépondérante dans l’environnement scolaire et peut-être assimilé à un symbole culturel. Pour plus de détails, voir : C.E.D.H., 3 novembre 2009, Lautsi c. Italie, n° 30814/06 et C.E.D.H., 18 mars 2011, Lautsi c. Italie, n° 30814/06, Rec. 2011.
22 L’article 35 de la Convention exige en effet parmi les conditions de recevabilité des requêtes l’épuisement des voies de recours internes dans la mesure où ces derniers sont efficaces, suffisants et accessibles.
23 On vise par là le fait de se sentir confirmé dans une identité de victime.

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Ce compte rendu a été publié par l’Institut canadien d’administration de la justice le 5 janvier 2018, dans la foulée de sa 42e Conférence annuelle portant sur la diversité culturelle et religieuse dans l’administration de la justice, intitulée L’énigme de la Charte canadienne des droits et libertés : le choc des droits et des valeurs dans la mosaïque culturelle canadienne. La conférence s’est déroulée à Montréal du 2 au 4 octobre 2017, sous la présidence d’honneur de la juge en chef du Québec, l’honorable Nicole Duval Hesler. Elle a réuni 160 participants, dont une quarantaine de conférenciers.

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