Indépendamment du genre et des pronoms

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mercredi, 15 mai 2024
Publié dans Dernières nouvelles

Ce billet fait partie d’une série de blogues sur les «décisions de la CSC et plus encore» rédigés par notre collaborateur James Hendry. Pour lire les autres billets, cliquez ici.

Texte original en anglais


Indépendamment du genre et des pronoms

Je voudrais revenir sur l’injonction émise par le juge Megaw de la Cour du Banc du Roi pour la Saskatchewan à l’encontre de la politique empêchant les écoliers de moins de 16 ans d’utiliser leurs noms et pronoms préférés sans le consentement de leurs parents. J’ai noté dans mon blog précédent que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a réagi en adoptant une «Déclaration des droits des parents» en tant qu’amendement à la Loi de 1995 sur l’éducation. Fait extraordinaire, elle a invoqué la disposition dérogatoire de l’article 33 de la Charte, qui lui permet de s’appliquer nonobstant la violation des articles 7 et 15 invoquée dans l’affaire de l’injonction. Ensuite, les demandeurs sont retournés devant le juge Megaw pour ajouter une nouvelle allégation selon laquelle l’amendement violait l’interdiction des traitements cruels et inhabituels de l’article 12 de la Charte, une disposition qui n’a pas été expressément annulée. Le gouvernement a alors demandé à ce que l’affaire soit classée. Le juge Megaw a refusé de radier l’action initiale au motif que le tribunal avait compétence pour décider si la nouvelle «Déclaration des droits des parents» était contraire aux articles 7 et 15 et a ajouté l’allégation de traitement cruel et inusité prévue à l’article 12. La Saskatchewan a fait appel.

Ma principale préoccupation dans ce blog est l’utilisation de l’article 33 pour empêcher le juge Megaw de conclure à un préjudice irréparable potentiel sur la base de preuves d’experts concernant l’effet des erreurs de genre et de l’outing sur les enfants transgenres qui pourraient souffrir de troubles mentaux et physiques s’ils n’étaient pas soutenus avec compassion par leurs parents.

L’Assemblée législative de la Saskatchewan a réagi à la décision du juge Megaw en organisant une «session d’urgence» pour garantir la primauté de la place des parents dans l’éducation de leurs enfants, en affirmant qu’il s’agissait de droits. Le gouvernement était suffisamment inquiet pour invoquer la dérogation draconienne de la Charte (4042-3). S’attendant vraisemblablement à des exceptions à la compassion parentale, l’amendement prévoit l’assistance de l’école aux enfants susceptibles de subir des préjudices. A peine le gouvernement a-t-il proposé une seconde lecture de l’amendement que l’opposition répond par un long examen des conclusions du juge Megaw sur les preuves et dénonce l’absence de consultation des parents, des psychologues, des enseignants et des écoles (4043-68). Au cours de la journée de débat suivante, un législateur a déclaré que l’article 33 avait été invoqué pour «affirmer l’autorité législative face à l’excès judiciaire» (4107).

La position des demandeurs dans l’affaire Saskatchewan a été rendue plus difficile par la Cour d’appel du Québec dans une affaire concernant la Loi sur la laïcité de l’État qui interdit aux fonctionnaires de porter des vêtements religieux, ce qui constitue une discrimination à l’égard des femmes musulmanes en particulier, également soumise à l’article 33. Le juge Megaw s’était appuyé sur la décision rendue en première instance dans l’affaire Hak c. AG Québec pour étayer sa conclusion selon laquelle il était possible de répondre aux questions relatives à la Charte même en présence de l’article 33, mais il était également parvenu à la même conclusion de son propre chef en se fondant sur les premiers principes. Malheureusement, la Cour d’appel a estimé à l’unanimité que le fait d’invoquer l’article 33 empêchait un tribunal de statuer sur une question que l’article 33 soustrayait au contrôle judiciaire. La CSC avait statué dans l’affaire AG Québec c. Ford que l’article 33 ne créait qu’une exigence de forme qui «protégeait» une disposition législative «de l’application» des articles spécifiés de la Charte. La Cour d’appel a noté que les tribunaux pouvaient utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour entendre une affaire sans objet en tenant compte (1) d’un contexte contradictoire (2) de l’économie judiciaire et (3) d’un rôle judiciaire approprié. La Cour d’appel a analysé l’exception du contexte contradictoire à la clôture de l’affaire sans objet en notant que le procureur général du Québec n’avait pas défendu les questions relatives à la Charte en raison de la loi actuelle sur l’article 33. De plus, elle n’aborderait pas les questions relatives à la Charte dans l’éventualité où la législature retirerait l’article 33, car les tribunaux ne rendent pas de jugements hypothétiques ou spéculatifs.

Je pense que notre démocratie serait bien servie par la création d’une exception à la règle du «mootness» pour exiger qu’un gouvernement réponde à une allégation selon laquelle la législation enfreint la Charte lorsqu’elle est protégée par l’article 33. En permettant à la loi de fonctionner pendant cinq ans de manière à ce qu’elle s’applique jusqu’à la prochaine élection après son utilisation, les auteurs de la loi ont clairement voulu que les électeurs puissent s’en prendre aux législateurs qui ont utilisé l’article 33. La force de cette approche est quelque peu diminuée par le «théorème d’impossibilité» d’Arrow, qui prédit que des questions spécifiques telles qu’un vote contre l’article 33 ne peuvent être dissociées des autres questions électorales dans notre système de vote actuel. Cependant, nous avons vu des manifestations attirer l’attention des électeurs sur des questions de justice sociale, comme celle qui a amené l’Ontario à abroger immédiatement la Loi de 2022 visant à garder les élèves en classe, qui imposait une convention collective aux travailleurs de l’éducation soumis à l’article 33. Le fait qu’un tribunal n’utilise pas son pouvoir discrétionnaire pour permettre que la question de la Charte soit entendue au regard de l’article 33 réduit la valeur de la dissidence des électeurs pour les législateurs. Peut-être la CSC sera-t-elle persuadée qu’elle aiderait souvent le débat démocratique en permettant au moins aux tribunaux de trancher la question de la conformité à la Charte d’une loi annulée par l’article 33. Même certains commentateurs qui se sont opposés au jugement fondé sur les valeurs ont préconisé une approche renforçant la représentation démocratique, comme John Hart Ely (Democracy and Distrust, 101-4). 

L’abaissement de la barre de la doctrine du «mootness» permettant de traiter une question de la Charte couverte par l’article 33 offre quelque chose aux législateurs, aux demandeurs et aux défenseurs. Cela pourrait également contribuer à la résolution démocratique de la question des enfants transgenres en Saskatchewan. 


***Ceci ne constitue en aucun cas un avis juridique

«La question politique de la politique scolaire interdisant aux enfants transgenres de moins de 16 ans d’utiliser leurs noms et pronoms à l’école sans le consentement de leurs parents continue à osciller entre les tribunaux et le corps législatif de la Saskatchewan. Le juge qui avait initialement enjoint au gouvernement de mettre en œuvre cette politique a ensuite refusé la demande du gouvernement de mettre fin à la procédure judiciaire après que le corps législatif a fait de cette politique une loi soumise à la dérogation législative de la Charte. La Saskatchewan a fait appel».   

À propos de l'auteur

James Hendry

James Hendry

James Hendry was called to the Ontario Bar in 1981. He was in private practice until 1984 when he joined the Canadian Human Rights Commission as counsel providing legal advice and litigation services, appearing at all levels of court, including the Supreme Court of Canada. In 1989, he was recruited by the Department of Justice. He was General Counsel in the Human Rights Law Section until 2011, specializing in civil Charter social policy advice and equality rights, and interpreting and designing human rights legislation. He was Research Director with the Canadian Human Rights Act Review Panel and a Visiting Scholar at Harvard Law School on a Canada-U.S. Fulbright Scholarship. He publishes extensively on Canadian and comparative constitutional issues and has lectured in Canada, Spain, South Africa, the United States, and Hong Kong. He taught Constitutional Law and Charter at the University of Ottawa, Faculty of Law and currently co-teaches a course on “Writing for Social Justice.” He designed and presented lecture series on the Charter, International Human Rights and Aboriginal Rights at Carleton University. He was the Editor in Chief of the Federated Press Charter and Human Rights Litigation journal from 1993 to 2016. He was founding Editor in Chief of the PKI Global Justice Journal, now published by Queen’s Law (2017 to 2022).