Avocate, créatrice de balados et autres chapeaux : portrait d’une carrière atypique

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mercredi, 2 février 2022
Publié dans Dernières nouvelles

Caroline Mandell a conçu deux séries dans le cadre du balado de l’ICAJ « En toute justice » : l’une sur les compétences rédactionnelles et la rédaction de jugements, et l’autre sur le cerveau.
Sa biographie et les liens vers les balados (en anglais) se trouvent au bas de cette page.

Texte original en anglais


On dit que « le droit mène à tout ». En tant qu’avocate, comment en êtes-vous venue à enseigner les compétences rédactionnelles et communicationnelles?

Avant de lancer mon entreprise de coaching et de conseil, j’ai accompagné les juges de la Cour d’appel de l’Ontario durant plus de dix ans à titre de conseillère juridique. Le fait de lire des milliers de mémos, d’assister à d’innombrables plaidoiries et de réviser des jugements dans tous les domaines du droit m’a permis de développer une vision élargie de la communication juridique. J’ai vu tous les types d’écriture: claire et concise, ennuyeuse et tortueuse, et tout ce qui existe entre les deux. Ce qui m’intriguait, c’était de savoir ce qui rendait un texte plus ou moins efficace. S’agissait-il simplement du reflet de compétences innées, ou existait-t-il des caractéristiques communes à la bonne (et à la moins bonne) communication, que nous pouvons tous apprendre ? La deuxième hypothèse était la bonne. J’en ai pris conscience lorsque j’ai commencé à enseigner la recherche et la rédaction juridiques à la Faculté de droit de l’Université de Toronto. Il était très gratifiant de guider les étudiants sur la courbe d’apprentissage de la lecture, de la réflexion, de l’écriture et de la discussion des problèmes juridiques. Mais je savais, grâce à mon expérience à la Cour, que ce sont des compétences que nous devons affiner tout au long de notre carrière juridique. De là, il était naturel de travailler auprès de rédacteurs juridiques plus expérimentés — avocats, arbitres et juges — afin de les aider à affiner leurs compétences en matière de rédaction et de communication.

Quel est le plus grand défi auquel vous avez fait face dans votre parcours ?

Il existe quelques mythes persistants sur la communication juridique. L’un d’entre eux est que seuls les étudiants et les jeunes avocats ont besoin d’aide pour améliorer leurs compétences en communication ; tous les autres se débrouillent très bien tout seuls. Si cela était vrai, pourquoi Serena Williams aurait-elle un entraîneur de tennis? Un autre point de vue est que le langage clair et simple ne s’adresse qu’aux profanes ; les juges seront offensés si les mémoires sont trop faciles à lire et les clients protesteront si les contrats ne sont pas remplis de mots juridiques compliqués qu’ils ne comprennent pas. Mais je suis optimiste, on rencontre ces commentaires de moins en moins souvent.

Vous avez enregistré deux séries de balados très instructifs avec l’ICAJ : l’une sur les compétences rédactionnelles en matière de jugements et l’autre sur les compétences du cerveau. Ils ont été téléchargés des milliers de fois. Pourquoi avez-vous choisi ces sujets ? Quels sujets avez-vous envie d’aborder ensuite?

La série sur les compétences rédactionnelles en matière de jugements était une pure réalisation de mes souhaits. J’ai pensé aux personnes à qui je voulais le plus parler des joies et des défis de la rédaction de motifs, et l’ICAJ a fait en sorte que cela se produise. Je suis particulièrement fière de l’épisode avec John Laskin, Ed Berry et Steve Armstrong sur l’histoire de l’enseignement de la rédaction de jugements au Canada. C’était un tel plaisir de les avoir tous réunis dans la même pièce (virtuelle) et d’entendre leurs points de vue.

La série sur les compétences du cerveau était un prolongement du travail que j’ai effectué sur la neuroscience de la communication. Il existe des réponses, fondées sur des preuves, à des questions telles que « comment écrire de manière plus persuasive » ou « comment surmonter l’angoisse de la page blanche ». Plus important encore, des recherches suggèrent que notre cerveau n’est tout simplement pas conçu pour fonctionner comme nous le forçons à le faire. Je voulais transmettre cette information au plus grand nombre.

Pour la suite, j’aimerais aborder la façon dont nous pouvons intégrer les neurosciences dans le paysage juridique qui se redessine après la pandémie. Les cabinets d’avocats, les tribunaux et les cours de justice sont déjà en train de repenser comment et où ils effectuent leur travail. Ces changements devraient tenir compte de ce que notre cerveau peut — et ne peut pas — raisonnablement faire.

Tout va de plus en plus vite, et nous sommes de plus en plus occupés, dans tous les domaines de notre vie. Nous avons l’impression d’être obligés de faire plein de choses en même temps, que cela nous plaise ou non. Pensez-vous que le mode multitâche soit la voie à suivre ? Existe-t-il d’autres options ?

Le mode multitâche est un mythe. Notre cerveau ne peut se concentrer que sur une seule chose à la fois. Ce que nous considérons comme le multitâche, c’est en réalité le fait que notre cerveau passe rapidement d’une tâche à l’autre. Non seulement cela est épuisant sur le plan cognitif, mais des études montrent que les performances sont moins bonnes dans la tâche interrompue et dans la tâche qui l’a interrompue lorsque nous passons constamment d’une tâche à l’autre. La meilleure approche consiste à réserver des blocs de temps pour différentes tâches et à limiter les interruptions pendant chacune d’elles.

Quel est votre secret pour concilier une vie professionnelle réussie et très prolifique (entrepreneuriat, enseignement, baladodiffusion, écriture, etc.) et une vie familiale et personnelle épanouie ?

J’ai la chance d’avoir des amis proches qui en sont à des étapes différentes de leur vie et de leur carrière, et nous partageons ouvertement sur les aléas de la vie (surtout depuis l’arrivée de la COVID). On se sent un peu moins seul, et cela rend les difficultés un peu plus faciles à gérer quand on sait que les autres n’ont pas tout bon eux non plus. J’ai également trouvé du réconfort dans la distinction que la Dre Laurie Santos, qui fait des recherches sur le bonheur, établit entre être heureux dans sa vie et être heureux de sa vie. Le quotidien n’est pas toujours merveilleux, mais l’expérience globale est profondément gratifiante.


Balados (en anglais) animés par Caroline Mandell

Première série de balados sur les compétences rédactionnelles et la rédaction de jugements « Writing Skills« :

Deuxième série de balados sur le cerveau « Brain Skills« :


À propos de Caroline Mandell, MA, JD

Consultante en communication juridique et litiges

Caroline Mandell connaît le système judiciaire canadien sous toutes ses coutures. En début de carrière, elle a œuvré à l’élaboration de politiques au ministère du Procureur général de l’Ontario. Elle a ensuite passé plus d’une dizaine d’années comme conseillère juridique auprès des juges de la Cour d’appel de l’Ontario, où elle a travaillé sur des cas complexes dans tous les domaines du droit. Plus récemment, Caroline a été arbitre auprès des Commissions d’appel et de révision des professions de la santé et des services de santé de l’Ontario.

Caroline est experte en communication juridique et s’intéresse particulièrement à la psychologie cognitive du traitement de l’information. Elle a enseigné la rédaction de décisions pour l’Institut national de la magistrature, la Society of Ontario Adjudicators and Regulators, ainsi que pour des tribunaux administratifs, des cours et des juges. Elle est également consultante en litiges, aidant les plaideurs à élaborer des arguments gagnants dans des affaires difficiles. Caroline a enseigné la recherche et la rédaction juridiques à l’Université de Toronto et est l’une des enseignantes les plus appréciées du programme LLM professionnel de la Osgoode Hall Law School.

Caroline est titulaire d’un diplôme de Juris Doctor et d’une maîtrise de l’Université de Toronto et a été admise au Barreau de l’Ontario en 2005.

Site internet de Caroline Mandell (en anglais)

À propos de l'auteur

ICAJ

ICAJ

Fondé en 1974, l’Institut canadien d’administration de la justice (ICAJ) rassemble les individus et les institutions au service de l’administration de la justice et vise à promouvoir l’excellence en favorisant l’acquisition de connaissances, la formation et l’échange d’idées. L’ICAJ offre de la formation sur mesure et des programmes multidisciplinaires conçus pour tous les acteurs du système de justice, rédige des rapports et émet des recommandations pouvant servir d’assise au changement.