COVID-19 : Ce sont peut-être les Premières Nations qui ont le plus à perdre

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vendredi, 17 avril 2020
Publié dans Dernières nouvelles

Alors que les Canadiens prennent des mesures pour se protéger contre la COVID-19, ce sont peut-être les Premières Nations qui ont le plus à perdre. Protéger les populations vulnérables a été une préoccupation primordiale dans tout le Canada depuis le début de la crise liée à la COVID-19, et cela est particulièrement vrai pour les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La vulnérabilité de ces communautés a été soulignée par l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, car nombre d’entre elles ont une prévalence plus élevée de problèmes de santé sous-jacents et de conditions de vie difficiles.

Des bureaux de conseils de bande ont dû fermer dans tout le pays et de nombreuses Premières Nations ont déclaré l’état d’urgence. En raison des directives de distanciation sociale, les traditions culturelles spécialement centrées sur les rassemblements communautaires et les cérémonies essentielles au mode de vie autochtone sont déjà freinées. Certains groupes ont organisé des pow-wow virtuels pour garder le contact pendant la pandémie. Au centre de nombre de ces pratiques se trouvent les sages, qui agissent en tant que représentants de la communauté. Ils sont aussi des porteurs de connaissances sur les pratiques et traditions culturelles, de même que des gardiens de l’histoire. Outre la vulnérabilité liée à leur âge, les sages des communautés autochtones présentent des taux élevés de diabète et de maladies auto-immunes, et plusieurs d’entre eux comptent sur les soignants pour obtenir des soins de santé et des produits de première nécessité.

L’isolement peut être à double tranchant pour les communautés des Premières Nations qui sont isolées. D’une part, moins de personnes se déplacent dans les régions du Nord et l’isolement les a protégées des taux d’infection élevés observés dans les grands centres. D’autre part, si la COVID-19 s’infiltre dans une petite communauté, ses membres sont souvent loin de toute aide, et les conséquences peuvent être terribles. Les difficultés liées à la vie dans une communauté isolée sont exacerbées lors d’une pandémie.

Toutes les communautés ne peuvent être rejointes par la route ou par train, et les vols sont souvent cruciaux pour le transport des biens. Déjà, les vols vers le Nord ont été considérablement réduits et, dans certains cas, suspendus. Sans compter que les petits avions bondés ne sont pas l’idéal en période de quarantaine contre un virus très contagieux. Certaines communautés sont confrontées à la surpopulation et au manque d’eau potable, d’autres ne sont pas équipées d’un service de téléphonie mobile ni même d’un système d’égouts adéquat. Il y a 96 communautés des Premières Nations isolées au Canada. Si le virus devait frapper l’une d’entre elles, le bilan pourrait être la perte d’une culture, d’une langue et d’une histoire uniques.

Le 18 mars 2020, le gouvernement fédéral a mis en place un Fonds de soutien aux communautés autochtones, qui a débloqué 305 millions de dollars afin de répondre aux besoins des communautés des Premières nations, des Inuits et des Métis. Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, a tweeté que c’était « un important début », ce montant représentant en réalité moins d’un pour cent du financement distribué par le gouvernement pendant la crise.

Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015 ont été qualifiés de plan directeur pour la réconciliation avec les communautés des Premières Nations au Canada. Selon les recherches du Yellowhead Institute, un centre de recherche dirigé par les Premières Nations et basé à l’université Ryerson, seuls neuf des 94 appels à l’action avaient été menés à bien à la fin de 2019. La réalisation de ces appels à l’action serait un pas vers l’élimination des inégalités auxquelles les communautés autochtones sont confrontées. Le Canada n’a pas encore mis en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), bien qu’en novembre 2019, la Colombie-Britannique soit devenue la première et la seule province à inscrire une partie de ce traité dans sa législation.

Les communautés autochtones du Canada ont déjà enduré beaucoup de difficultés; la crise liée à la pandémie de COVID-19 pose un autre défi qui, s’il n’est pas géré correctement et avec un soutien adéquat, pourrait dévaster leurs cultures uniques et leurs populations vulnérables.

À propos de l'auteur

M<sup>e</sup> Maria Aylward

Me Maria Aylward

Chef, projets et développement d’affaires

Avant d’avoir le plaisir de se joindre à l’ICAJ, Maria a exercé le droit chez Gowling WLG et au sein d’un cabinet montréalais spécialisé en propriété intellectuelle. Fière Terre-Neuvienne, elle détient un baccalauréat ès sciences et un baccalauréat ès arts de l’Université Memorial. Lors de ses études de Juris Doctor à l’Université Dalhousie, elle a reçu le James A. MacDonald Award et le Eunice Beeson Memorial Prize pour sa réussite et son engagement académique. Maria a effectué son stage professionnel à la Cour canadienne de l’impôt. Elle a obtenu son diplôme en droit civil à l’Université d’Ottawa en 2012 et adore vivre à Montréal.