La stigmatisation et l’exclusion sociale

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mardi, 2 octobre 2018
Publié dans Dernières nouvelles

Qu’est-ce que la stigmatisation ? Disons qu’il s’agit d’un processus constitué d’un ensemble de facteurs (étiquettes, stéréotypes, mise à l’écart, perte de statut, discrimination) subis simultanément, dans un contexte de rapport de force leur permettant de se déployer.

En ce qui concerne les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, il y a deux sources principales de stigmatisation : (1) la peur, sous prétexte que ces personnes seraient dangereuses, et (2) le rejet, en raison de la prémisse tout aussi fausse qu’elles auraient une déficience intellectuelle.

Les mots que l’on utilise pour décrire les personnes ayant des problèmes de santé mentale ne sont pas anodins. Une expression comme « malades mentaux » est plus susceptible d’alimenter et d’exacerber les stéréotypes qu’une terminologie décrivant « la personne d’abord », ce que je privilégie. Il y a, bien sûr, une infinité d’options et de préférences. L’expression « personne ayant un vécu expérientiel » est actuellement en vogue au Canada. Certains préfèrent utilisateurs de services ou survivants du système de santé mentale. L’utilisation de « patient » vs « client » a suscité la controverse ces dernières années.

Les différentes campagnes de lutte contre la stigmatisation ont des approches très variées. Le sujet lui-même n’est pas controversé. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale, si elles s’identifient ou sont identifiées en tant que tel, sont trop souvent craintes et rejetées, ce qui mène à l’exclusion sociale. Lorsqu’elles souhaitent obtenir des services médicaux, physiques ou juridiques appropriés, elles sont incapables d’accéder aux mêmes soins de santé que les autres, leur admissibilité étant remise en question sur la seule base de leurs problèmes de santé mentale. C’est pour cela que ces personnes refusent si souvent de s’identifier ou tentent de se soustraire à l’identification à tout prix. Elles ont la peur légitime d’être exclues ou de ne pas être bien traitées par la société, ou encore que l’on porte atteinte à leurs droits simplement parce qu’elles ont un problème de santé mentale.

Certaines campagnes de lutte contre la stigmatisation mettent l’accent sur la source du problème de santé mentale comme étant d’origine biomédicale. Par exemple, dans la campagne « Cause pour la cause » de Bell, on véhicule le message suivant : « Elle n’est pas folle, elle est malade. Allons lui dire bonjour ». Cela suggère que les gens seraient plus susceptibles de se lier d’amitié avec une personne dont les comportements sont différents des leurs s’ils comprenaient que ce comportement n’est pas un choix, mais l’effet d’une maladie. Dans les communautés touchées, de nombreuses personnes n’adhèrent pas à cette façon d’aborder la discrimination ou la stigmatisation. Elles n’adhèrent pas non plus à l’idée qu’il existe une base biomédicale pour expliquer les crises émotionnelles. D’autres avancent que, peu importe l’origine du comportement, ce qui importe est d’aider la personne à se sentir mieux et à avoir une meilleure qualité de vie si tel est son souhait. Et pour l’aider, il faut pouvoir lui donner ce qu’elle demande.

Accoler l’étiquette de « malade » aux personnes en crise ne résout pas le problème de l’inclusion sociale lié à la stigmatisation. Cela ne fait que changer l’angle du discours. Plutôt que d’accuser la personne d’être trop paresseuse pour « mettre ses culottes » et se « comporter normalement », on lui reproche, si elle continue d’être en crise, de « ne pas prendre ses médicaments ». On passe ainsi à côté de nombreuses réalités, notamment le fait que les médicaments ne sont pas toujours efficaces ou qu’ils peuvent avoir des effets secondaires sévères qui empirent le problème plutôt que de l’améliorer. La médicalisation peut finir par faire partie des causes de stigmatisation. Le simple fait de dire « ils sont malades » ne diminue en rien le stéréotype de « délinquant dangereux malade mental » ou de « déficient intellectuel ». Voilà des mythes qui nuisent à nos clients et qui doivent être complètement détruits. La meilleure façon d’y parvenir est de traiter les autres êtres humains pour ce qu’ils sont. Des êtres humains.

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Me Anita Szigeti fait partie des conférenciers qui prendront la parole lors de la 43e Conférence annuelle de l’ICAJ sur la justice et la santé mentale qui aura lieu à Ottawa, du 17 au 19 octobre 2018.

À propos de l'auteur

Anita Szigeti

Anita Szigeti

Avocate

Anita Szigeti pratique le droit en Ontario depuis 25 ans. Son cabinet, Anita Szigeti Advocates, se spécialise dans l'accompagnement de clients confrontés au système de justice civile en conjonction avec le système de soins en santé mentale.
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