La diversité culturelle et religieuse confrontée au système de justice et l’affaire R. c. S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484

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mardi, 26 septembre 2017
Publié dans Dernières nouvelles

Les enjeux que soulèvent la diversité canadienne pour l’administration de la justice ne datent pas d’hier. En 1997, la Cour suprême dans l’affaire R. c. S. (R.D.), s’exprimait ainsi :

« Le Canada n’est pas une société fermée, homogène. Il s’enrichit de la présence et de la contribution de citoyens appartenant à de nombreuses races, nationalités et origines ethniques. »

Vingt ans plus tard, ces enjeux sont toujours d’actualité. L’Institut canadien d’administration de la justice organise sa 42e conférence annuelle sur la diversité culturelle et religieuse. Intitulée L’énigme de la Charte canadienne des droits et libertés : le choc des droits et des valeurs dans la mosaïque culturelle canadienne, la conférence réunit Juges, avocats, étudiants, chercheurs universitaires et justiciables. Du 2 au 4 octobre prochains, à Montréal, des participants de tous horizons discuteront de diversité et de liberté de religion, et des réponses que le droit, la sociologie, et la psychologie peuvent apporter à ces questions parfois sensibles.

L’expérience des justiciables
L’expérience vécue par deux justiciables dont les noms sont désormais associés à des décisions importantes de la Cour suprême du Canada, messieurs Gurbaj Sign Multani et Rodney D. Small, fait l’objet d’une première conférence présidée par l’Honorable Nicole Duval Hesler, juge en chef de la Cour d’Appel du Québec.

L’expérience du système de justice par monsieur Small demeure troublante pour lui. « Cela a ajouté beaucoup de stress inutile dans ma vie et tout cela parce que les policiers ont été insultés par la décision du juge Corrine Sparks, même si c’était la vérité. »

L’affaire R. c. S. (R.D.)
Rappelons que monsieur Small, jeune noir âgé de 15 ans à l’époque des faits, a été arrêté et accusé de voies de fait sur un policier en Nouvelle-Écosse. La juge du Tribunal pour adolescent, l’honorable Corrine Spark, l’a acquitté en mentionnant dans sa décision:

« Je ne dis pas que l’agent a trompé la Cour, bien qu’on sache que des policiers l’aient fait dans le passé. Je ne dis pas que le policier a réagi de façon excessive, même s’il arrive effectivement que des policiers réagissent avec excès, particulièrement lorsqu’ils ont affaire à des groupes non blancs. Cela me semble dénoter en soi un état d’esprit suspect. Je crois que nous sommes vraisemblablement en présence dans cette affaire-ci d’un jeune policier qui a réagi de façon excessive. J’accepte le témoignage de [R.D.S.] selon lequel on lui a intimé de se taire, sous peine d’être arrêté. Cela semble conforme à l’attitude courante du jour.

En appel, la couronne a allégué que les propos de la juge Sparks, par ailleurs première femme noire à être nommée juge en Nouvelle-Écosse, semaient une crainte raisonnable de partialité. La Cour suprême a donné raison à la juge de première instance et rétabli l’acquittement du jeune homme. La Cour a précisé :

« Il n’est pas inusité que le juge examine le contexte factuel, social et psychologique dans lequel naît le litige. De fait, l’examen délibéré du contexte est maintenant reconnu comme une mesure favorisant l’impartialité du juge. »

Les décideurs et la diversité
Mais la décision de la juge de première instance aurait-elle été la même, n’eût été sa connaissance d’office du contexte ? Rodney D. Small, lui, est catégorique au sujet de son importance. Il explique :

« J’aurais fini au Centre de détention de la jeunesse de Waterville, sans aucun doute. La perspective de la juge Corrine Sparks était extrêmement importante pour arriver à la bonne décision. Sans sa compréhension de la relation entre la police et la communauté noire à travers ses propres expériences (puisqu’elle a grandi dans la communauté), j’aurais été considéré comme un garçon noir typique qui participe à alimenter le système de justice pénale. »

Et si le juge ne détient pas cette connaissance d’office, comment y suppléer ? Car si le décideur doit tenir compte des divers contextes sociaux pour favoriser l’impartialité, comment s’assurer qu’il ne bascule pas dans les stéréotypes ou les préjugés ?

La conférence annuelle de l’ICAJ est une formidable occasion d’aborder la diversité religieuse et culturelle sous tous ses angles, d’identifier les lacunes du système actuel et d’inspirer des changements durables dans l’administration de la justice.

Joignez-vous à nous du 2 au 4 octobre prochains et prenez part à la discussion!

 

À propos de l'auteur

M<sup>e</sup> Émilie Brien

Me Émilie Brien

Directrice adjointe (2016-2018)