Justice différée, justice refusée – Résumé du rapport final du Comité sénatorial
Le 14 juin dernier, dans la foulée de l’arrêt Jordan de la Cour suprême, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a publié son très attendu rapport final sur les délais judiciaires. Après avoir entendu 138 témoins (dont des avocats, des experts juridiques et en santé mentale, des juges anciens et actuels, des membres des forces policières et des victimes), le Comité sénatorial y émet 50 recommandations visant à « atténuer le fardeau qui pèse sur le système judiciaire du Canada ».
Quatre recommandations principales ont été faites au gouvernement fédéral :
- Collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et leurs organes judiciaires respectifs pour améliorer les pratiques de gestion des cas et réduire les audiences inutiles devant les tribunaux.
- Prendre des mesures pour améliorer le système de nomination judiciaire et pourvoir aux postes vacants.
- Travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour mettre en œuvre des programmes de justice réparatrice, des cours alternatives et des tribunaux « fantômes ».
- Investir dans la technologie pour moderniser des procédures pénales et en améliorer l’efficacité.
En plus de ces quatre recommandations, le Comité a également suggéré que, pour réduire les retards dans le système de justice criminelle, le gouvernement fédéral doit envisager de pourvoir tous les postes judiciaires vacants.
Le Comité sénatorial identifie également les conséquences de ces délais. L’impact se répercute tant sur les victimes que sur les accusés et les témoins, et le système de justice en général.
- L’impact sur les victimes et les témoins
De nombreuses victimes ont été entendues par le Comité et ont présenté leurs points de vue sur les délais, le stress provoqué et la revictimisation pouvant être engendrée par la situation. - L’impact sur les accusés et le problème de la mise en liberté sous condition et de la détention provisoire
Les accusés restent innocents jusqu’à preuve du contraire. Le stress provoqué par des délais prolongés est significatif. Les accusés peuvent subir une perte d’emploi. Ils peuvent avoir dépensé des sommes considérables pour couvrir les frais juridiques. Cependant, ils ne recevront aucune indemnité pour compenser ces pertes, même s’ils sont déclarés innocents. - L’impact sur le système de justice
De longs délais minent la confiance des Canadiens envers le système de justice. Les délais ont aussi une incidence sur la qualité et la fiabilité de la preuve, car la mémoire de l’accusé comme celle des témoins s’estompe au fil du temps.
Il est primordial de réduire les délais dans les tribunaux. Par conséquent, le rapport propose des solutions pour améliorer le système. Des efforts ont été déployés dans tout le pays pour réduire les délais dans les procès criminels. Le Comité a souligné l’existence d’autres options que la justice pénale traditionnelle, soit les programmes de justice réparatrice et les tribunaux alternatifs.
- Justice réparatrice
Le programme de justice réparatrice de la Nouvelle-Écosse est très efficace. Il permet aux personnes accusées de se concentrer sur les résultats de leurs actions et de participer à améliorer la justice dans la communauté en offrant un soutien aux victimes. Il offre un lieu de rendez-vous pour les victimes et les délinquants. Ce service est disponible pour les jeunes de 12 à 17 ans, mais un projet pilote est actuellement offert aux adultes. - Tribunaux parallèles ou thérapeutiques
Bien que certaines personnes aient commis un crime, elles peuvent réussir leur réadaptation et leur réinsertion au sein de la société, à condition de recevoir un traitement approprié. Les tribunaux alternatifs réduisent les taux de récidive, ce qui entraîne ainsi une réduction des délais judiciaires.
Le rapport fait aussi état d’une initiative du Palais de justice de Prince Albert, en Saskatchewan, qui vise à offrir des services aux personnes accusées (représentées par un avocat ou non), aux délinquants et aux victimes en un seul endroit. Ce service est axé sur la prévention des crimes. Pour identifier les personnes à risque, on a regroupé les services sociaux et de santé, les organismes à caractère éducatif et le corps policier.
Le Comité et les témoins ont également discuté des pratiques de gestion de l’instance et des procédures afin de réduire les délais, dont l’option que certaines causes soient entendues par les fonctionnaires des tribunaux plutôt que par les juges.
Le Comité a également discuté de la question des inculpations de conduite avec facultés affaiblies (drogues et alcool) et de la manière de réduire ses répercussions sur le système. Il a évoqué la législation adoptée en Colombie-Britannique, qui a réduit les demandes des tribunaux en reconnaissant au corps policier la compétence pour déterminer si les cas devraient être traités en vertu du Code criminel ou en vertu de la législation provinciale, qui requiert moins de ressources judiciaires.
Enfin, le Comité a examiné comment l’utilisation des nouvelles technologies pourrait rendre le système judiciaire plus efficace. Les systèmes électroniques modernes pourraient en effet contribuer à réduire les délais dans les procédures.