Le droit, l’économie et l’accès à la justice civile : ça semble sérieux? Ça l’est!
La profession juridique se trouve à un tournant. De plus en plus de gens choisissent de résoudre leurs problèmes d’ordre juridique sans l’aide d’un avocat. L’information juridique est accessible à quiconque possède un téléphone intelligent. Tout le monde a une opinion sur chaque situation à caractère juridique qui se présente dans l’actualité. La réputation des professionnels du droit est malmenée comme jamais.
Le moment est peut-être venu, pour ceux qui ont à cœur d’améliorer l’accès à la justice civile au Canada, d’écouter attentivement ce que les experts du droit et de l’économie ont à dire au sujet des coûts engendrés par la primauté du droit. Le moment est peut-être venu d’employer de nouveaux arguments afin d’appuyer nos demandes répétées pour un meilleur accès à la justice.
Quel éclairage un point de vue économique peut-il jeter sur l’étude des différentes avenues menant à l’évolution de la justice civile? Peut-on chiffrer le coût de la justice? Le devrait-on? La justice peut-elle être quantifiée? Quels devraient-en être les paramètres? L’accès aux tribunaux est-il trop facile ou au contraire trop limité?
Ces préoccupations seront au cœur des échanges lors de la conférence annuelle de l’ICAJ qui aura lieu à Ottawa, du 5 au 7 octobre prochains. Je vous invite à y participer pour prendre part à la discussion.
Au sein de ce que j’appelle la « communauté de l’accès à la justice », nous nous appuyons souvent sur les mêmes « vieux » exemples pour faire valoir la nécessité d’améliorer le système : les frais d’avocat sont trop élevés, les délais sont trop longs, le système est trop complexe, etc.
Pour étayer notre propos en faveur d’un remaniement souhaité depuis trop longtemps, pourquoi ne pas déplacer le débat et utiliser des arguments d’ordre économique en se plaçant d’un point de vue institutionnel ? À quoi ressemblerait un plan de reconstruction davantage collé à la réalité du marché? Pourquoi ne pas présenter aux décideurs ce qui reflète une bonne gestion des affaires, ce qui est économiquement efficace? N’est-il pas temps d’employer la langue de ceux qui décident de la répartition des fonds publics ?
Mais tout d’abord, il nous faut développer des indicateurs pour évaluer les coûts de la justice. À cet égard, je suis curieuse d’en savoir davantage sur le projet de recherche mené par le Forum canadien sur la justice civile (FCJC) sur les coûts de la justice, non seulement en dollars mais aussi au niveau social. Leur rapport final est attendu au cours des prochains mois. Du côté du Québec, le professeur Pierre Noreau vient récemment d’obtenir une importante bourse de recherche en vue de tester certains indicateurs, en mettant sur pied une série de projets pilotes visant à mesurer leur efficacité (consortium de recherche consacré au thème de l’accès au droit et à la justice : http://adaj.ca).
Pouvons-nous nous permettre de continuer à agir comme nous le faisons depuis des années? La réponse est non, à n’en pas douter. Des initiatives prometteuses surgissent çà et là, tant par l’usage des nouvelles technologies pour mieux répondre aux demandes du public que par une certaine ouverture d’esprit en vue de réglementer la profession de façon novatrice.
Mais pour connaître le succès et développer différentes façons de gérer les problèmes d’ordre juridique dans notre société, chacun d’entre nous doit porter un regard neuf sur les défis rencontrés et repérer de nouvelles solutions. Nous avons grand besoin d’un changement complet de culture.
Qu’avons-nous à perdre, d’ailleurs ? Très peu, en fait. Au contraire, nous avons tellement à gagner…
Me Michèle Moreau, avocate
Directrice générale de l’ICAJ