Mon stage en milieu judiciaire à la Cour supérieure: une vraie expérience sur le terrain

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mercredi, 1 mars 2023
Publié dans Dernières nouvelles

Dans ce billet de blogue, Nicholas Waltenbury partage ses réflexions sur son expérience de stage en milieu judiciaire à l’été 2022.

Texte original en anglais


L’été dernier, j’ai eu l’immense privilège de participer au programme pancanadien de stages en milieu judiciaire de l’ICAJ. Après avoir effectué mon stage d’été au ministère du Procureur général à Toronto, je me suis rendu à Sudbury, en Ontario, pour observer le travail de la juge Kathleen Cullin à la Cour supérieure.

Lors de mon bref séjour, j’ai eu la chance d’assister à un large éventail de litiges, notamment un conflit entre voisins concernant une servitude, un conflit entre un propriétaire et un locataire concernant un bail commercial, une audience de détermination de la peine pour meurtre au deuxième degré, une réclamation en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte liée à des accusations criminelles graves, une conférence en vue d’un règlement dans le cadre d’une poursuite pour négligence impliquant une municipalité, et de nombreuses conférences en vue d’un règlement en droit de la famille.

J’ai été frappé par la diversité des questions juridiques que les juges de la Cour supérieure doivent trancher. La juge Cullin a émis des ordonnances, rédigé des décisions et procédé à la médiation de règlements sur des questions de droit extrêmement complexes dans des affaires criminelles, contractuelles, délictuelles et familiales — parfois le même jour. S’il est vrai que les avocats se spécialisent souvent dans un domaine, on s’attend à ce que les juges soient à la fois généralistes et spécialistes. Je crois que cela illustre non seulement la difficulté de leur travail, mais aussi la responsabilité importante qu’ont les avocats de présenter au juge qui préside des arguments clairs et concis au nom de leur client. En fait, le processus de présentation des faits, le résumé de la jurisprudence, de la common law et de la législation pertinentes, et l’argumentation par analogie n’étaient pas sans rappeler ce qu’on nous demande de faire dans les examens de la faculté de droit — une agréable surprise pour moi après une première année intense à McGill!

J’ai eu la chance que la juge Cullin entende des affaires à la fois en personne et par Zoom, ce qui m’a permis de connaître les façons de faire avant et après la pandémie et d’évaluer les avantages et les inconvénients de chacune. J’ai appris que le tribunal virtuel offre une flexibilité et une efficacité qui peut bénéficier à toutes les parties si les circonstances s’y prêtent. Il y avait une volonté manifeste de maintenir au moins certains des changements que la pandémie a rapidement imposés au système judiciaire. En revanche, j’ai observé que les parties rencontrent encore des difficultés dans l’utilisation de cette technologie, et qu’il est donc nécessaire d’accroître les ressources informatiques et la formation pour tous les intervenants du secteur de la justice.

Ce qui m’a peut-être le plus surpris, c’est le volume important de dossiers que les juges doivent gérer. En tant qu’étudiant en première année de droit, j’ai passé la majeure partie de l’année à lire des motifs de jugement de cours d’appel. Il était donc facile d’imaginer que le rôle d’un juge consistait exclusivement à présider aux procès et à rédiger de longues décisions. En réalité, j’ai appris qu’un juge consacre jusqu’aux trois quarts de son temps à la gestion, afin de s’assurer que les procès sont à la fois efficaces et nécessaires. L’importance de ce travail était évidente, car j’ai constaté la résolution partielle ou complète de nombreuses affaires à la suite de conférences préparatoires et de conférences de règlement. C’était une expérience d’apprentissage incroyable de voir la juge Cullin aider les parties à régler leur différend en apportant une perspective neutre sur les questions qui pourraient être tranchées au procès et en amenant les parties à un règlement — parfois seulement après de nombreuses rencontres. Il s’agit d’une dimension du système judiciaire que nous connaissons très peu en tant qu’étudiants et qui a considérablement changé ma vision du rôle des tribunaux.

Comme je suis né et que j’ai grandi à North Bay, en Ontario, j’étais ravi que l’on m’ait envoyé dans la région du Nord-Est et d’être jumelé à un juge qui connaissait bien les défis et les possibilités uniques que le Nord présente pour les juristes et les parties. Dès mon arrivée, j’ai perçu l’ambiance villageoise qui règne dans le bâtiment. La communauté juridique d’une ville du nord de l’Ontario est beaucoup plus petite que celle d’un grand centre urbain; les juges, le personnel de la cour et les avocats se connaissent bien et se côtoient, ce qui souligne l’importance de l’intégrité, de la collégialité et de la raison. Il était également clair que la juge Cullin connaît intimement la communauté qu’elle sert et considère que son rôle va au-delà de la simple décision judiciaire. J’ai vu la juge Cullin aider les parties (en particulier celles qui se représentaient seules) à accéder aux services locaux pour traiter les divers éléments de leur litige. Cette expérience m’a aidé à mettre en contexte le caractère « local » du principe des cours supérieures : des personnes de la région qui règlent des problèmes locaux, où toutes les personnes impliquées dans le conflit ont un intérêt dans le résultat parce qu’elles sont toutes membres de la même (dans ce cas, petite) communauté. L’expérience m’a rappelé ce que j’apprécie le plus de mon milieu d’origine et que j’espère garder en moi, quel que soit l’endroit où je pratique le droit.

Fidèle à la tradition du nord de l’Ontario, toute l’équipe de la Cour supérieure de la région du Nord-Est s’est donné beaucoup de mal pour m’accueillir dans la ville et manifester son intérêt pour mon séjour au tribunal. Les membres du personnel de la cour ont pris le temps de m’expliquer leur rôle et m’ont aidé à m’installer en me fournissant les ressources dont j’avais besoin pour profiter de la semaine au maximum. L’auxiliaire juridique (qui n’a commencé à exercer ses fonctions que deux semaines avant mon arrivée !) m’a aidé à me diriger dans le tribunal et a gentiment répondu aux questions que je craignais être trop futiles pour la juge Cullin. D’autres juges de la Cour supérieure, notamment la juge Hennessy et le juge Cornell, ont eu la gentillesse de discuter de leurs affaires avec moi et m’ont fait part de leurs réflexions et de leurs conseils concernant mes études et mes démarches professionnelles.

Cependant, je suis particulièrement redevable à la juge Cullin, qui a tout mis en œuvre pour que mon séjour à Sudbury soit riche et profitable. Elle m’a accordé du temps avant et après chaque procédure, afin que je sache ce à quoi être attentif et que j’aie la chance de réfléchir et de poser des questions sur ce que j’observais. Sa disponibilité tout au long de la semaine m’a permis d’acquérir des connaissances précieuses sur notre système judiciaire et le rôle d’un juge. Je n’aurais vraiment pas pu espérer une expérience d’apprentissage plus significative.

Il est difficile de décrire à quel point cette expérience m’a aidé à mettre en contexte les notions que j’ai apprises pendant ma première année de droit et à commencer à avoir une « vue d’ensemble » du système judiciaire canadien. Je ne saurais trop recommander ce programme à tout étudiant en droit qui cherche à parfaire sa formation théorique à l’aide d’une expérience d’apprentissage dans le contexte concret d’un tribunal. Je suis extrêmement reconnaissant à la juge Cullin, à l’ICAJ et à tous les juges du pays qui participent à ce programme d’offrir une si formidable possibilité aux personnes qui étudient le droit au pays.


En 2019, l’ICAJ a créé un programme pancanadien de stages en milieu judiciaire afin d’offrir aux étudiantes et étudiants en droit la possibilité de prendre de l’expérience au sein d’une cour provinciale ou fédérale, ou encore d’un tribunal administratif. Les stages se déroulent entre le 1er mai et le 1er septembre de l’année en cours et s’étalent sur une semaine ou davantage selon la disponibilité des juges participants.

Apprenez-en davantage sur les activités offertes par l’ICAJ aux étudiantes et étudiants en droit : https://ciaj-icaj.ca/fr/adhesion/section-etudiante/

Cela vous intéresse de contribuer au travail de l’ICAJ? Communiquez avec nous! https://ciaj-icaj.ca/fr/notre-reseau/travailler-a-licaj/

À propos de l'auteur

Nicholas Waltenbury

Nicholas Waltenbury

Nicholas Waltenbury est un étudiant de deuxième année à la Faculté de droit de l’Université McGill, inscrit au programme combiné BCL/JD en tant que boursier McCall-MacBain. Il a fait ses études de premier cycle en sciences politiques et administration des affaires à l’Université Western de London (Ontario) et a travaillé à temps plein dans le domaine des affaires publiques avant d’entreprendre ses études de droit. Il est fier d’être originaire du nord de l’Ontario et continue de s’investir auprès de sa communauté d’origine chaque fois que cela est possible.