Songe d’un stage d’été en temps de pandémie

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vendredi, 20 novembre 2020
Publié dans Dernières nouvelles

Étant depuis longtemps convaincu de vouloir pratiquer en défense au criminel, je ne savais pas exactement à quoi m’attendre concernant le stage de l’ICAJ. Il était clair que l’assignation de tâches de recherche et la durée du jumelage dépendraient exclusivement des choix et disponibilités du juge superviseur. J’espérais donc simplement que cette expérience me permettrait d’observer diverses instances dans une position plus proactive et immersive que celle d’un membre du public et d’échanger, même rapidement, avec un juge.

J’ai eu la chance d’observer le travail du juge Alexandre Boucher, de la Chambre criminelle de la Cour Supérieure du Québec, pendant plus de six semaines. Alors que la tenue de tout procès avec jury était impossible ailleurs en raison du contexte sanitaire, c’est bel et bien un procès de cette nature qui se tenait dans le seul centre judiciaire de la province aisément adaptable. C’est pour cette procédure que j’ai accompagné le magistrat, à l’exception d’une journée passée à entendre des appels en matière pénale ou pour des affaires poursuivies par voie sommaire.

J’ai rédigé divers mémoires et index de ressources utiles concernant des questions de droit précises. Dans le cadre du procès avec jury, il s’agissait tant de répondre aux requêtes déposées en cours d’instance par les parties que de préparer certaines discussions devant intervenir entre les magistrats et les procureurs. Dans le cadre des appels, j’ai eu l’occasion de résumer un procès sur la base des notes sténographiques, puis d’isoler les prétentions des parties, les moyens d’appel et le droit applicable en vue de proposer une issue au litige.

Outre le cérémonial, j’ai pu étudier certaines des stratégies rhétoriques utilisées par les avocats. Me Marc Labelle, qui officiait comme avocat de la défense, a décidé de dialoguer directement avec les membres du jury lors de l’exposé ouvrant sa preuve. Ce faisant, il a souligné que ses aspirations étaient semblables aux leurs, puisqu’il s’agissait, ultimement, de découvrir la vérité. Il se présentait ainsi activement et habilement comme officier de la Cour, voire quasi-amicus curiae, et pas simplement représentant des intérêts de l’accusé. L’accusé vivait d’ailleurs son second procès pour complicité de fraude et d’abus de confiance, à la suite de l’annulation de son acquittement par la Cour d’appel. Alors que j’allais bientôt relire le projet de directives finales rédigées par le juge, puisque la clôture de la présentation de la preuve de la défense approchait, un incident (que d’aucuns qualifieraient d’inconduite de la part de la Couronne) a débouché sur l’avortement du procès. Après plusieurs mois de présentation d’une preuve longue et technique, ce retournement de situation inattendu m’a permis d’être témoin d’une prise de décision pour le moins rare et, évidemment, frustrante pour la poursuite, pour le jury et d’une certaine façon pour tous les acteurs du procès. Ce fut l’occasion pour le juge de faire preuve à nouveau de pédagogie, mais surtout d’exprimer son respect le plus profond pour l’institution du jury populaire et chacun des jurés lorsque vînt le moment de leur expliquer sa décision, brièvement et sans détailler les questions de droit sous-jacentes.

In fine, ce fut une immersion dans le quotidien du système de justice, non pas tel qu’on le voit dans un manuel d’instruction, mais tel qu’il est véritablement : « vécu » par les professionnels. Les semaines passées en salle d’audience à observer tous les acteurs, ainsi que les longues discussions en chambre avec le magistrat, m’ont beaucoup appris. Elles m’ont permis de vivre avec des praticiens, de cerner leur travail dans toute son ampleur, d’obtenir les réponses à bien des questions, et de tester mes convictions relativement à mon choix de carrière.


En 2019, l’ICAJ a créé un programme pancanadien de stages en milieu judiciaire afin d’offrir aux étudiantes et étudiants en droit la possibilité de prendre de l’expérience au sein d’une cour provinciale ou fédérale, ou encore d’un tribunal administratif. Les stages se déroulent entre le 1er mai et le 1erseptembre de l’année en cours et s’étalent sur une semaine ou davantage selon la disponibilité des juges participants.

À propos de l'auteur

Jean-Guilhem Tovar

Jean-Guilhem Tovar

Jean-Guilhem est étudiant au baccalauréat (2019 – 2022) à la Faculté de science politique et de droit de l'Université du Québec à Montréal.