« Je rêve pour ceux qui me suivront »

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mardi, 7 janvier 2020
Publié dans Dernières nouvelles

Ce qui suit s’adresse plus particulièrement aux étudiants en droit et aux nouveaux juristes, qu’ils soient avocats ou notaires.

Depuis mes débuts comme avocate en pratique privée en 1990, il n’a jamais été autant question d’accès à la justice qu’en ce moment dans toutes les sphères de la communauté juridique, et même de la population en général.

Cependant, le système de justice lui-même a peu changé. On ajoute des ressources parallèles pour tenter d’en faciliter la compréhension, pour accompagner nos concitoyens qui doivent s’y aventurer, pour simplifier certaines procédures, pour commencer à intégrer la technologie. On ose parfois appeler ces remèdes bien limités de l’innovation.

Il est beaucoup question d’innovation depuis quelques années. Le Larousse la définit comme un « processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles ». Ce qui est nécessaire, c’est donc un électrochoc. Il faut mettre de côté le modèle actuel et tout recommencer !

Pour moi, l’image qui représente le mieux notre système de justice actuel est une forteresse où seuls sont admis ceux qui connaissent le code secret pour y entrer. Tous les autres tentent d’y accéder par des moyens insuffisants mis à leur disposition, mais les murs de la forteresse résistent. Et pour ceux qui y parviennent, l’intérieur est un tel labyrinthe qu’y circuler aisément est impossible.

La profession juridique elle-même est aussi à repenser : le rôle du juriste, qu’il soit avocat ou notaire, son implication dans la communauté, les structures des cabinets, les modes de facturation, la qualité de vie. Tout doit être sur la table !

Si mon propos semble négatif, c’est que vous ne réalisez pas quelle extraordinaire occasion se présente à vous, la jeune génération de juristes, pour réinventer le droit, la justice, la profession. Ne faites pas que rejeter le modèle actuel, appropriez-vous la profession juridique et façonnez-la à votre manière.

Nous, les juristes, sommes parmi les privilégiés de notre société. Le droit est un outil extraordinaire qui a permis l’abolition de la peine de mort, le droit de vote des femmes, la décriminalisation de l’avortement… une arme puissante pour celles et ceux qui désirent travailler concrètement à l’avancement de notre société.

La plupart de nos concitoyens se feront une opinion de la profession juridique, positive ou négative, au contact d’une avocate, d’un notaire ou d’une juge qu’ils croiseront un jour sur leur route. Chacun de vous avez le pouvoir d’influencer cette opinion par la façon dont vous resterez fidèle aux idéaux de justice qui vous animent.

Soyez authentiques et inclusifs. Restez à l’écoute de vos concitoyens, particulièrement les plus vulnérables. Trouvez votre façon à vous de redonner au suivant. Les occasions d’aider se déclinent à l’infini. Exercez la profession avec votre tête, bien sûr, mais aussi avec votre cœur. À vous de révolutionner l’image de la profession juridique pour qu’elle devienne positive et exempte de cynisme.

Je termine en vous incitant à maintenir un équilibre nécessaire entre votre vie personnelle et votre vie professionnelle. Prenez soin de vous. Soyez bienveillants envers vous-mêmes. Gardez du temps pour votre famille et vos amis. Et pour ne rien faire. N’attendez pas que votre santé, mentale ou physique, vous oblige à arrêter.

Je vous laisse sur ces mots de Paul Gérin-Lajoie qui sont pour moi un phare qui m’indique la route à suivre au quotidien :

« Je respecte ceux qui me précèdent, j’écoute ceux qui m’accompagnent et je rêve pour ceux qui me suivront. »

Je vous invite donc à rêver avec moi…

À propos de l'auteur

Michèle Moreau

Michèle Moreau

Directrice générale de l'ICAJ de 2013 à 2016

Me Michèle Moreau est à la tête de la Direction de la protection et de la défense des droits à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.  Elle a été directrice-fondatrice de Pro Bono Québec et du Centre de justice de proximité du Grand Montréal, ainsi que directrice adjointe du Service des relations professionnelles à l’Université du Québec à Montréal durant plus de 10 ans. Elle a été directrice générale de l'ICAJ de 2013 à 2016. Tout au long de sa carrière, Me Moreau s‘est investie auprès de diverses organisations du milieu juridique. Actuellement membre du conseil d'administration de la Clinique juridique du Mile End, elle a été présidente de l’Association des diplômés en droit de l’Université de Montréal, présidente de la Division du Québec de l’Association du Barreau canadien (ABC) et deuxième vice-présidente de l’ABC nationale. Elle a reçu un Mérite pour sa contribution exceptionnelle au Barreau de Montréal en 2011.