Profession juridique et dépendance : y a-t-il un éléphant dans la pièce ?
Le 28 novembre dernier, l’ICAJ et le TAG (Groupe d’action sur l’accès à la justice) tenaient leur conférence conjointe annuelle sur la santé mentale à Toronto. Cette année, un sujet tabou était à l’ordre du jour : la prévalence de la consommation d’alcool au sein de la profession juridique. Me Patrick Krill, président de Krill Strategies, présentait les résultats de sa recherche nationale effectuée en début d’année auprès des membres de la profession aux États-Unis : The Prevalence of Substance Use and Other Mental Health Concerns Among American Attorneys.
Cette étude révélait notamment qu’entre 21 % et 36 % des avocats auraient une consommation d’alcool pouvant être jugée problématique. À des fins de comparaison, ces chiffres sont de 3 à 5 fois plus élevés que les statistiques gouvernementales sur la population en général. De plus, c’est durant les quinze premières années de pratique que les avocats développeraient le plus souvent le problème. Ces statistiques reflètent-elles la situation de la profession juridique canadienne ? De l’avis de Me Krill, la réponse serait oui, car les problèmes de santé mentale et la consommation abusive sont plus directement reliés à la profession qu’à la nationalité.
Un panel formé de Doron Gold, psychothérapeute au Homewood Health, Joanne St. Lewis, conseillère à la Law Society of Upper Canada et Carrie Fiorillo, avocate à l’Aide juridique de l’Ontario et ancienne toxicomane (lire son histoire), a commenté ces résultats avec éloquence. Diverses raisons ont été évoquées pour expliquer les statistiques : l’environnement stressant et compétitif, les longues heures de travail, les activités sociales organisées autour de l’alcool, la définition du succès pour certains et la désillusion de certains jeunes lorsqu’ils entrent sur le marché du travail. Et pourquoi s’en préoccuper ? D’abord parce que, selon les conférenciers invités, il s’agit d’un devoir humain, mais aussi parce que cela peut avoir des répercussions au niveau déontologique.
Le problème de consommation peut nuire aux habiletés nécessaires à la bonne pratique de la profession : éthique, diligence, confidentialité. Le problème de l’individu devient vite celui de l’employeur et de la société en général, qui compte des avocats dans de nombreux domaines.
Ressources et articles
- 21 questions-test pour l’avocat qui se questionne sur sa propre consommation : http://www.law.com/sites/almstaff/2016/10/07/do-you-have-a-drinking-problem-counselor/?slreturn=20161119172406
- Signes et symptômes à observer chez un collègue : http://www.americanbar.org/news/abanews/aba-news-archives/2016/02/joint_study_identifi.html
- Liste des ressources d’aide pour avocats au Canada : https://www.cba.org/CBA-Wellness/Wellness-Programs
- What Make Lawyers Happy: http://www.gwlr.org/wp-content/uploads/2015/05/83-Geo-Wash-L-Rev-554.pdf
Vidéo de la conférence
Pour visionner l’enregistrement de la conférence du 28 novembre dernier, rendez-vous sur le site de TAG : https://theactiongroup.ca/2016/12/follow-up-addiction-in-the-legal-profession/
Émilie Brien, avocate
Directrice adjointe de l’ICAJ